Los Herederos – Les enfants héritiers. Eugenio Polgovsky, Mexique, 2008, 78 minutes.
De quoi peuvent-ils bien hériter, si ce n’est de la misère et de la nécessité de travailler dès le plus jeune âge pour aider leurs parents à subvenir à leurs besoins vitaux. Dans cette campagne mexicaine éloignée des villes, tous les enfants travaillent, pas seulement pour aider aux tâches journalières, aller chercher de l’eau ou du bois, ou surveiller les quelques animaux qui permettent au village de subsister. Ils travaillent aussi dans les grandes exploitations agricoles qui ne peuvent appartenir qu’à de mystérieux hommes très riches et où ils passent, comme les adultes, des journées entières à cueillir tous ces fruits et légumes qu’ils ne pourront jamais consommer eux-mêmes. Des journées entières au soleil et dans la chaleur, avant de regagner leur village dans la montagne où d’autres tâches les attendent.

Le film d’Eugenio Polgovsky n’est pas un réquisitoire contre le travail des enfants. Il ne démontre rien. Les images parlent suffisamment d’elles-mêmes. Ces enfants, le dos courbé sous leur lourde charge de bois, ne se plaignent pas. Ils ne sont pas résignés non plus. Ici, on n’évoque pas le destin pour justifier son sort. La vie implique de travailler. Alors on travaille, c’est tout.

Los Herederos, c’est une journée de la vie de ces enfants, dans un village comme il doit en exister bien d’autres au Mexique et dans les pays de l’Amérique centrale et latine. Une journée qui se reproduit tous les jours à l’identique, tous les jours de l’année, de génération en génération. Un film sans pathos, sans apitoiement. Rarement l’expression « filmer à hauteur d’enfant » aura été aussi adaptée. Et pas seulement en fonction de la place de la caméra et des cadrages. Polgovsky a réalisé un véritable film d’enfance, un film qui donne à connaître l’enfance parce qu’il n’appréhende pas les enfants qu’il filme comme des adultes en miniature auxquels on aurait volé leur innocence. Il ne les filme pas non plus sous l’emprise de cette tendresse naïve qu’ont souvent les parents occidentaux pour leur progéniture et ceux qui ravivent le souvenir de leur propre enfance. Il les filme dans leur identité propre, tout simplement dans leur humanité.
