Petit Portrait – Dominique Cabrera

La Banlieue – La Famille – La Mort – Jean-Louis Comolli. C’est le carré documentaire de Dominique cabrera.

La Banlieue

Cette banlieue, c’est le Val Fourré. Une banlieue idéale. Du moins si l’on en croit les images d’archives que la cinéaste place en pré-générique de son film. Des images qui devaient faire rêver. Le commentaire, grandiloquent, vante la modernité de ce nouveau quartier où tout a été pensé, les espaces verts à l’extérieur, les jeux pour enfants, les parkings. Les immeubles HLM, les tours, les appartements flambant neufs, vont permettre de vivre dans le plus grand confort. La cité représente alors la promesse d’une vie meilleure. Des images qui surprennent aujourd’hui, mais qui nous replacent dans le contexte d’une époque que l’histoire récente des banlieues rend bien difficile à imaginer et à comprendre. Et c’est toute l’histoire des banlieues qui est retracée. La lente dégradation des conditions de vie. La naissance des ghettos.

(Chronique d’une banlieue ordinaire, 1992)

La Famille

Un projet de film : filmer une famille. Un projet de film personnel : filmer sa propre famille. Mieux, se filmer soi-même en train de filmer sa propre famille. C’est le film que réalise Dominique Cabrera. Un film intimiste donc, narcissique aussi, autobiographique un peu, familial surtout.

Le film commence par un mariage et se termine par un enterrement. Un parcours bien commun en somme. Il montre une grossesse, une naissance, des anniversaires, des fêtes de famille. Des moments tout ce qu’il y a de plus banal. Des moments qui ne sont pas des évènements. Pour évoquer le passé, la cinéaste intègre dans le filmage direct des extraits de films de famille anciens, réalisés par le père. Le tout montre une famille comme les autres, qui n’a rien d’extraordinaire, qui n’a rien pour frapper l’imagination du spectateur. Rien de choquant, d’anormal. Rien de merveilleux non plus. Le seul événement de la vie de cette famille, c’est le départ d’Algérie dès le début de la guerre. Un événement qui n’est pas filmé, et pour cause. Du coup il devient presque lui aussi un non-événement.

(Grandir, 2013)

La Mort

Dominique filme Didier, son compagnon aimé, sur son lit d’hôpital. Elle filme son visage, son corps étendu sur le lit, ses mains. Des mains qu’elle caresse doucement, tendrement.

Dominique filme Didier et lui parle. Elle lui demande comment il se sent. Elle lui dit qu’elle l’aime.

Didier est malade. Il souffre d’un cancer. Il est hospitalisé, mais il ne suit pas de traitement lord, style chimiothérapie. Au fil des jours, au fil des plans sur son visage, nous voyons l’évolution de la maladie, sa progression. La mort n’est jamais évoquée directement, mais nous ne pouvons pas ne pas penser à la mort.

Le film de Dominique Cabrera peut être considéré comme un film platonicien. Voir l’évolution de la maladie n’est-ce pas une façon d’apprendre à mourir ? La meilleure façon d’apprendre à mourir, d’apprivoiser la mort, doucement, sans violence, sans souffrance, sans effroi. L’acceptation de la mort en toute sérénité.

(Un Mensch, 2023)

Jean-Louis Comolli

Dominique Cabrera se rend chez Jean-Louis Comolli pour s’entretenir avec lui en tant que cinéaste et théoricien du cinéma. Ou plutôt, elle se rend chez lui pour faire un film. Car il a accepté l’idée de l’entretien à condition qu’il soit filmé. Son dernier film sans doute, dit-il, même si ce n’est pas en tant que réalisateur.

Car Jean-Louis Comolli est malade. Il revient d’un séjour à l’hôpital. Il souffre d’un cancer qui lui sera fatal peu de temps après la réalisation du film. Pourtant il ne donne pas l’impression de souffrir ou de vivre ses derniers instants. Il est même étonnamment vif d’esprit, n’ayant rien perdu de cette finesse d’analyse qui a caractérisé l’ensemble de ses ouvrages. Pas plus d’ailleurs que son sens de l’humour. Il rit beaucoup dans le film de Dominique Cabrera, un film qui n’a rien d’une nécrologie.

(Bonjour Monsieur Comolli, 2023)

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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