Les vaches – les SDF – L’Afrique – Les Gilets Jaunes, quatre étapes des documentaires d’Emmanuel Gras
Les vaches.
Le film d’Emmanuel Gras ne construit pas l’imaginaire supposé des vaches. Il les filme dans leur condition animale banale, broutant dans les près, ruminant allongées et immobiles de longs moments. Il filme la vache qui pisse et celle qui défèque. Il filme une naissance, la vache qui lèche le veau nouveau-né et les premiers pas peu assurés de ce dernier. Il filme le ciel qui s’obscurcit à la venue de l’orage et la pluie qui pousse le troupeau à se réfugier sous les arbres. Il filme dans des plans toujours très longs ces animaux qui semblent vivre seuls dans un milieu naturel. Jusqu’à l’arrivée des hommes.
Bovines ou la vraie vie des vaches, Emmanuel Gras, 2011, 64 minutes.

Les SDF
Le centre d’hébergement Saint Jean de Dieu est un lieu clos. Ce n’est pas une prison, mais les portes sont fermées à clef et la nécessité de respecter les interdictions ne peut que limiter la liberté individuelle. Pourtant beaucoup semblent accepter cet état de fait comme une chance qui leur est offerte de pouvoir continuer à vivre et de ne pas sombrer dans le désespoir absolu.
300 Hommes. Aline Dalbis et Emmanuel Gras. France 2013, 88 minutes.

L’Afrique.
Le film se déroule en trois parties qui s’enchainent avec une nécessité absolue. Trois étapes marquées par la fatigue du travail épuisant, la souffrance toujours, mais l’acharnement de poursuivre, d’aller jusqu’au bout des possibilités de vie, de survie plutôt. Une succession qui ne permet aucun arrêt, aucun retour en arrière, aucun temps mort. La réalisation n’inscrit d’ailleurs aucune temporalité. Combien de temps faut-il pour aller jusqu’à l’arbre; combien de temps faut-il pour abattre l’arbre à la hache, pour ensuite construire un bucher recouvert de terre ; combien de temps faut-il au feu qui couve pour produire son œuvre, le charbon ?
Mais ce temps indéfini ne s’arrête jamais. Il faut ensuite mettre le charbon dans des sacs, les accrocher sur un vélo le plus grand nombre de sacs possible. Et partir sur les sentiers tout juste visibles dans la brousse, et les routes de plus en plus passagères à mesure qu’on se rapproche de la ville, de plus en plus obscurcies alors par une poussière qui devient de plus en plus impénétrable. Combien de temps dure ce voyage ? Le seul repère est la succession des jours et des nuits. Mais même dans cette obscurité trouée seulement par les phares des véhicules (surtout de gros camions), il faut continuer, malgré le danger, la fatigue, la douleur. Tout au long de ce voyage nous sommes à côté de l’homme au vélo. Les gros plans dominent. Sur son visage. Sur les roues du vélo. Sur les sacs de charbon. Jamais de vue subjective. Nous ne pouvons pas nous mettre à la place de l’homme. Mais nous sommes avec lui, si près de lui que nous souffrons avec lui, au point d’avoir envie de crier au cinéaste et à son équipe d’arrêter de filmer et de l’aider un peu à gravir cette côte qui demande un effort surhumain.
Makala. Emmanuel Gras, 2017, 96 minutes.

Les Gilets jaunes.
Le film est réalisé à Chartres. Nous y rencontrons un petit groupe de femmes et d’hommes – des femmes surtout, du moins elles sont les plus en vue – engagées dans les revendications nées en novembre 2018 et que nous allons suivre jusqu’en avril 2019 à partir du mois de décembre. Un déroulé chronologique qui nous éloigne du reportage pris sur le vif, dans le feu des événements, même si le filmage nous plonge au cœur de l’action, sur le rond-point occupé et dans les manifestations parisiennes.
Un peuple. Emmanuel Gras, 2022, 114 minutes.
