High school et High school II. Frederick Wiseman, 1968 et 1994, 75 et 222 minotes.
A Philadelphie et à New York, deux établissements secondaires bien différents parce que le temps s’est écoulé (26 ans séparent les deux films) parce que les modes ont changé. Les pratiques pédagogiques ne peuvent rester les mêmes.
Mais reste identique, la plongée dans le monde scolaire, au plus près des élèves et des professeurs. Une plongée dans la vie quotidienne des établissements, avec leurs contraintes institutionnelles, la rencontre avec les parents et le rôle de l’administration, en particulier. Deux films donc mesurer les différences, les évolutions. Les constantes aussi. Comme le problème de la discipline. Et les relations garçons filles et l’importance de la sexualité, donc de l’éducation sexuelle et sa place dans le système éducatif.
Observer le lycée, c’est aussi appréhender la vie des adolescents. Et des pré-adolescents. Bien sûr, la vision que le cinéma va nous donner de cet âge de la vie dépend surtout du milieu scolaire dans lequel on se situe. La Philadelphie du premier film est- elle, bien différente de New York du second ? Dans l’un et l’autre cas, les établissements sont situés dans des quartiers calmes, sans problème particulier. Nous ne sommes pas dans une banlieue réputée « chaude », ici la violence que l’on pointe entre les élèves semble bien plutôt renvoyer aux difficultés d’affirmation des jeunes dans leur relation avec autrui. Qu’à l’influence de la vie sociale dans son ensemble.
La différence essentielle entre les deux films tient alors plutôt au statut des établissements, le second est qualifié de lycée expérimental. Ce qui doit bien sûr retentir sur la vie quotidienne. Dans la pratique pédagogique aussi. Dans l’organisation de l’établissement. Dans le lycée expérimental Wiseman ne film pas les cours à proprement parler. D’ailleurs, ils ont laissé la place à des situations de recherche personnelle ou en petits groupes. Le rôle des professeurs n’est plus vraiment le même. Il ne s’agit plus de transmettre des savoirs. Ils deviennent bien plus des conseillers, des aides, et s’ils donnent des directives. Elles peuvent très bien être rejetées ou suivies par les élèves eux-mêmes, suivant des décisions réfléchis.

Ainsi, la différence mise systématiquement en avant par Wiseman réside dans le rapport à la discipline. Certes, il n’est jamais question de la supprimer, mais c’est la façon dont elle est présentée par les détenteurs de l’autorité qui a fondamentalement évolué0 Dans le premier High School, on peut dire que la discipline a un côté militaire. Les élèves peuvent bien la contester, ils finissent toujours par devoir la respecter. Je ne suis pas d’accord, dit l’un d’eux qui vient d’être collé. Mais je ferai la retenue. Dans le second film, le rôle des enseignants et de l’administration est bien plus de responsabiliser les élèves pour faire reculer la violence dans leurs rapports interpersonnels. Plutôt que faire accepter les règles sociales simplement parce qu’elles s’imposent à la vie collective.
Enfin, on peut remarquer que le second film de Wiseman insiste beaucoup plus sur la présence des parents et prend en compte la réflexion collective des enseignants sur la pédagogie et la vie du lycée. Dans le premier High School, il n’y a pas de vie d’équipe pédagogique, chacun gère au mieux son enseignement, comme si les problèmes qui peuvent surgir ne viennent que des élèves et doivent être traités à leur niveau. Aux États-Unis aussi, l’évolution du système scolaire est marquée par le développement de la réflexion pédagogique. Si ce sont bien toujours les mêmes valeurs qui sont en jeu, au niveau de la sociabilité en particulier, elles ne sont plus simplement imposées mais doivent faire l’objet d’une démarche de découverte et d’acceptation de la part de chacun Dans ce contexte, c’est la relation avec les professeurs qui n’est plus la même. Le second film montre des enseignants très proches des élèves, à leur écoute, et essayant sans cesse de les comprendre.
S’agissant du système scolaire américain, nous pouvons dire que la méthode d’immersion pratiquée par Wiseman se révèle particulièrement efficace, Nous sommes au plus près des adolescents dans leur relation sociale avec les adultes, parents et enseignants, mais aussi entre pairs. Les deux films nous donnent des clés pour comprendre l’importance de leur formation. Pour leur avenir personnel, mais aussi celui de la société.
