Cinéma et Photographie.

Ernest Cole, photographe. France, Etats Unis, 2024, 105 minutes.

Cinéma et photographie. Des films sur l’art photographique. Sur les grands photographes, sur leurs œuvres et leur vie. Leur conception de la photo, et les vicissitudes de leur carrière. La photographie n’a pas toujours été reconnue comme un art. Il a fallu batailler pour cela. Pour s’ouvrir les portes des musées, des galeries, des expositions. Le cinéma y a certainement contribué.

Cinéma et photographie. On pense à des films nous permettant de découvrir et d’admirer l’œuvre d’un photographe. Comme Le Sel de la terre de Wim Wenders, film consacré à Sébastiao Salgado. On pense aussi à Agnès Varda, photographe avant de devenir cinéaste, qui réalise un film, Salut les cubains, à partir de ses propres photos, réalisées lors d’un voyage à Cuba. Le film nous raconte, grâce à un montage extrêmement précis, la musique et la danse cubaine.

Le propos du film de Raoul Pack est clair dès son titre. Il est consacré à un photographe, Ernest Cole. Et à son activité professionnelle, la photographie. Film fait en grande partie de photos de Cole. En noir et blanc. À quoi s’ajoutent parfois des photos d’autres photographes, amis ou proches de Cole et ceux qui ont photographié Cole lui-même, clichés précieux pour nous présenter l’homme, et pour appréhender au fil du temps le déroulement de sa vie. Peck ajoute quelques séquences de contexte en vidéo et en couleurs, la libération par exemple de Nelson Mandela et la joie de la foule des Noirs qui la célèbre. Mais aussi les gratte-ciels de New York, les avenues avec la foule surtout des Blancs. Des images indispensables.

Cole est le premier à avoir montré dans ses clichés la réalité de son pays, l’Afrique du Sud, au temps de l’apartheid, ce régime de ségrégation et d’exclusion de tous ceux qui ne sont pas blancs. En 1967. Il publie un livre, Hause of bandage, qui fera date et mobilisera le monde entier contre le régime scandaleux de l’Afrique du Sud. Un film qui lui vaut d’être banni de son pays. Il s’exile alors aux États-Unis. Et il voyagera un peu en Europe, résidant par exemple un temps en Suède. Une vie d’exilé où il connaîtra le mal du pays. Mais il découvre qu’il n’a plus la nationalité d’Afrique du Sud et il lui est définitivement impossible d’y retourner. Ce sera sa plus grande souffrance.

Le film de Peck repose sur un journal intime de Cole qui nous est donné en voix off ? Une voix grave, sérieuse, chargée d’émotion. La vie d’exilé de Cole ne fut jamais facile. Devait-il continuer à photographier la vie qui l’entourait. Souvent dépressif. Il semble de plus en plus coupé du monde.

Le film de Peck se termine par un mystère. En 2017, on découvre dans le coffre d’une banque en Suède 60 000 négatifs de photos de Cole. Comment sont-ils venus là ? Pas de réponse.

Les films documentaires sur l’apartheid ne sont pas très nombreux, en fait. Il ne faut certes pas oublier les classiques que sont Come back, Africa, 1959, de Lionel Rogosin ou Classified People, 1988, de Yolande Zauberman. Mais aussi Le Procès de Mandela et les autres, 2018, de Nicolas Champeaux et Gilles Porte. Aujourd’hui, il faut ajouter à cette liste Ernest Cole. Photographe de Raoul Peck.

 Le film de Peck a obtenu l’œil d’or au Festival de Cannes en 2024.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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