Vaincre la mort.

L’âcre parfum des immortelles. Jean-Pierre Thorn, 2019, 79 minutes.

Le dernier film de Jean-Pierre thorn. Un testament en quelque sorte. Un retour passionné – et passionnant – sur une vie de cinéaste, de cinéaste engagé, avec ses luttes (continues), ses victoires (inachevées), ses espoirs (renouvelés). Avec son amour, Joëlle, trop tôt disparue, emportée par la maladie, mais à jamais présente, vivante, dans les souvenirs, dans la vie du cinéaste. Avec ses films, de Oser lutter, oser vaincre (1968) à 93 la belle rebelle (2010). Des films militants, qui n’ont rien perdu de leur pouvoir de mobilisation. Un film autobiographique en somme. Écrit à la première personne. Un cocktail de poésie et de politique, de rêve et de réalité, tout à fait unique. Un film qui défie l’oubli, qui se donne pour projet de vaincre le temps. Un film qui recherche – et trouve – l’immortalité.

Le titre d’abord. Tout commence dans les Landes. La forêt de pins. Le sable, jusqu’à l’océan. Et les fleurs. Ces « immortelles » qui, une fois fleuries, ne dépérissent pas. Une métaphore de l’amour qui lui aussi ne fane pas sous l’effet du temps. Une évocation des sensations de la rencontre. Le parfum des émotions qui subsistent malgré le temps qui passe. Un parfum que le spectateur ne peut pas ne pas percevoir, fugace peut-être, mais bien présent dans les images.

L’amour ensuite sous le signe d’Eluard. La lecture en voix off de lettres de Joëlle. Joëlle, l’amour de jeunesse, l’amour de toujours. Elle n’est pas filmée par Jean-Pierre. Elle n’apparait que dans des photos. Des photos de nus, en noir et blanc, des photos intimes, qui disent mieux que tout l’immortalité de l’amour. Comme les extraits de ses lettres. La quotidienneté de l’amour. Son universalité.

L’histoire militante aussi. De mai 68 au Gilets jaunes en passant par le hip hop. A Flins, pour nous dire ce qu’est une lutte ouvrière, vécue de l’intérieur. Thorn travailla quelques huit années dans l’usine, ouvrier au côté des ouvriers. Il vécu longtemps en banlieue où il su capter mieux que quiconque l’énergie que dégage sa musique, le hip hop, sous sa forme primitive, non médiatisée.

Et les films. Pas une filmographie organisée et exhaustive. Non, mais des extraits, dont c’est peu dire qu’ils donnent envie de voir la totalité de cette œuvre, une œuvre aujourd’hui achevée avec la disparition du cinéaste. Une œuvre particulièrement cohérente, parce que chacune de ses étapes nous fait pénétrer dans ce monde de la lutte pour l’amélioration des conditions de travail et de vie.

Des Landes à Flins, un itinéraire qui valait bien un film.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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