Catherine Leroy. Une Française dans la guerre du Vietnam. Marie-Christine Gambart, 2025, 52 minutes.
La guerre du Vietnam fut la première guerre entièrement couverte par les médias. Les reporters correspondants de guerre étaient partout, pouvaient tout filmer, tout photographier. Entièrement librement. La première et aussi la dernière. Car les gouvernants se sont vite aperçus du pouvoir que pouvaient avoir les images. N’ont-elles pas été un élément déterminant dans la prise de conscience des Américains et donc dans le développement de la contestation de cette guerre interminable, que les États-Unis – c’était de plus en plus évident – ne pouvaient pas gagner.
Parmi les photographes qui ont officié au Vietnam, figurait une femme. Une Française ! Toute jeune, 21 ans, dont le courage, la témérité, la prise de risque était tout simplement stupéfiant. Parti au Vietnam avec pour seul bagage son Leica et une formation de parachutisme. Et c’est sans doute pour cela qu’elle réussit à se faire embarquer à bord d’un hélicoptère avec les GI’s. Et d’être autorisée de sauter avec eux au milieu de la jungle.
Ses photos montrent au plus près, comme jamais cela n’avait été fait, les combats. Et surtout les combattants, ces jeunes Américains, (elle avait leur âge) qui donnaient leur vie pour une guerre qu’ils n’avaient pas choisie. Pas voulue. Et qui n’était pas la leur. Des photos extrêmement émouvantes donc, comme celle de ce soldat couché sur le corps de son camarade mort. Les photos de Catherine Leroy eurent alors un immense succès. Faisant la Une des plus grands magazines américains. Jusqu’en France dans Match. Et couronnées de nombreux prix. Une consécration pour la photographe obtenue après tant d’acharnement pour se faire accepter sur le terrain par les combattants d’une part, mais aussi par ses confrères, les photographes – que des hommes bien sûr – qui voyaient d’un bien mauvais œil cette « gamine » venir les concurrencer et souvent les supplanter sur leur propre terrain.
Le premier mérite du film de Marie-Christine Gambart est donc de tirer de l’oubli cette véritable épopée d’une photographe dans la guerre. Photographe qui, sans doute en grande partie parce qu’elle était une femme, fut pratiquement totalement oubliée après la guerre et serait sans doute restée inconnue sans le travail indispensable de la cinéaste.
Mais en second lieu, le film de Marie-Christine Gambart est un remarquable exemple de portrait historique qui utilise avec une rigueur et une précision inégalée toutes les ressources documentaires existantes. Le film nous montre bien sûr les photos de Catherine Leroy, filmées plein cadre sans presque jamais ajouter d’effets de caméra. Puis il nous plonge dans la jungle vietnamienne par des images filmiques dont on avait oublié le souvenir. De la vie de Catherine Leroy. Marie Christine Gambart nous montre la relation avec sa famille grâce à des extraits des lettres qu’elle envoie à ses parents depuis le Vietnam, pour les rassurer bien sûr. En outre, Marie-Christine Gambard a retrouvé aussi les rares plateaux télévisés et les quelques interviews qu’a pu donner Catherine Leroy bien après la guerre. Une parole pleine de lucidité, indispensable donc pour compléter le portrait. Enfin, le film utilise juste ce qu’il faut d’images télévisées de l’époque. Pour nous rappeler le contexte historique de cette guerre qui bouleversa l’Amérique. Une parole pleine de lucidité, indispensable pour l’authenticité du portrait.
Le film de Marie-Christine Gambart retrace la vie de Catherine Leroy, dans la guerre d’abord, où elle fut grièvement blessée. Il insiste sur l’originalité du travail photographique de Catherine Roy, qui fut la première à travailler aussi du côté des Vietnamiens. Il nous montre la complexité de cette femme. Elle vota extrême droite ta, une fois en France. Mais elle s’engagea ensuite du côté de la contestation étudiante de la guerre en Amérique, filma le Festival de Woodstock et les manifs sur les campus américains.
Film sur la guerre du Vietnam, film sur le travail des photographes de guerre, le film de Marie-Christine Gambart a aussi l’immense intérêt d’être un film qui milite pour faire sortir de l’oubli l’histoire de femme que l’histoire des hommes a tendance, encore aujourd’hui, à recouvrir du voile de l’indifférence. Travail des plus précieux.
Festival International du Film d’Histoire, Pessac 2025.
