Bisons

The Last Buffalo Hunt. Lee Anne Schmitt. Etats Unis, 2011, 76 minutes.

         La conquête de l’ouest, la frontière toujours repoussée, les grandes plaines, les cow-boys et les Indiens, et les bisons : tous les ingrédients du mythe américain, du mythe de la construction d’une nation. Ces éléments du mythe sont présents en creux dans le film de Lee Anne Schmitt, puisqu’il y est questions des bisons, ou plutôt de la chasse aux bisons. Une chasse qui n’est plus ce qu’elle était.

         Les bisons ont presque disparu des États Unis, et cela dès la fin du XIX° siècle. Le film donne quelques données c, montrant en gros plan le rapport du Smithsonian Institute sur la disparition, plus exactement l’extermination, des bisons. Aujourd’hui il n’en reste qu’environ 600, regroupés dans l’Utah. C’est là que les passionnés de chasse et d’armes à feu se rendent pour vivre une aventure bien encadrée et relativement onéreuse. La cinéaste suit caméra à l’épaule, le guide et son client au moment où ils repèrent enfin les animaux, l’approche silencieuse et le coup de feu mortel pour la bête. Elle retrouve les chasseurs sous leur tente et interroge Terry le guide. Il avoue être quasiment en bout de course et rêve d’arrêter ce métier qu’il fait depuis trop longtemps. Les prix qu’il pratique vont devoir augmenter puisque le prix des carburants est en constante progression. Arrivera-t-il à franchir le pas ? Le contact avec les vrais chasseurs, ceux qui reviennent tous les ans, qui ne regardent pas à la dépense à condition qu’on leur en donne pour leur argent, lui manquera certainement.

         Le précédent film de Lee Anne Schmitt, California compagny town, montrait une face méconnue de la réalité américaine, les ouvriers de Californie. Ici, c’est la survivance d’une Amérique mythique qui est traitée, une survie à coup d’argent et de publicités. Mais la cinéaste sait éviter les pièges de la nostalgie et du film touristique, malgré quelques plans de paysage qui peuvent faire rêver. Il n’y a pas non plus de propos écologistes sur la protection de la nature et des espèces animales en voie de disparition. La séquence où la femme chasseur doit s’y reprendre à cinq reprises (cinq balles qui doivent atteindre l’animal « juste au-dessus de l’oreille ») fait un peu exception. Mais pour le reste, le film se centre surtout sur ces cow-boys en mal de distraction, qui ne sont pour la cinéaste ni sympathiques ni odieux. Elle porte sur eux un regard neutre, quasi ethnographique.

         Ce regard sur l’envers (ou la disparition) du mythe américain ne manque d’ailleurs pas d’humour. Un plan de la fin du film cadre un panneau demandant aux touristes d’être prudents : les bisons sont des animaux sauvages qui peuvent être dangereux. Le plan suivant montre une file de voiture à l’arrêt, dans les deux sens de circulation. Au milieu de la route, entre voitures et camping-cars, un bison majestueux, comme si de rien n’était.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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