La 48eme édition du festival international de cinéma VISION DU REEL s’est achevée le 28 avril dernier par un hommage marqué à Luciano Barisone, son directeur artistique, qui quitte ses fonctions après 7 ans de bons et loyaux services en faveur du cinéma documentaire. Un vibrant hommage de la part du Président du festival, Claude Ruey, et tout aussi chaleureux de la part de tous ceux qui ont œuvré avec lui pendant toutes ces années pour faire du festival de Nyon ce qu’il est aujourd’hui, un des tous premiers sur l’ensemble de la planète, et pas seulement pour le monde plus restreint du documentaire. Car aujourd’hui, Vision du réel ne joue pas à outrance la spécialisation d’un genre. Il se positionne comme étant un festival de cinéma. Tout simplement pourrait-on dire. Et c’est bien en grande partie pour cela que le documentaire peut enfin s’affirmer, et être reconnu, à l’égal de tout autre film projeté sur un écran, dans une salle obscure, devant un public qui n’a souvent rien d’autres de commun que son amour du cinéma. Finit le temps où mon voisin à qui je demandais quel film il était allé voir la semaine précédente pouvait me répondre : « ce n’était pas un film, c’était un documentaire !»
L’essor considérable qu’à connu Visions du réel ces derniers années est incontestablement dû à l’action de son directeur artistique. En sept ans, le nombre de festivaliers a doublé, passant de 20 000 à 40 000, dernier chiffre qui, soit dit en passant, représente le double de la population de la ville de Nyon. Mais si ce succès public est certes fondamental, le festival ne saurait acquérir un rayonnement international et jouer le rôle de phare dans l’art cinématographique sans une identité forte, spécifique, personnelle, que justement son directeur artistique a su lui donner, et qui correspond sans doute en grande partie à sa propre personnalité.
L’identité de Visions du réel, c’est d’abord sa diversité. Une diversité qui se manifeste en premier lieu dans la présence de tous les formats, courts, moyens et longs, dans trois compétitions internationales. Mais c’est aussi justement la représentativité internationale. Dans l’édition 2017 on peut voir des films de pays venus des quatre coins du monde, de l’Australie à Cuba, de la Turquie à Singapour, de la Roumanie à la République dominicaine et avec des coproductions assez étonnantes (Brésil-Taïwan, Belgique-Burkina Faso, Serbie-Chine). Sans oublier l’Afrique du sud qui fait l’objet d’un focus. IL est bien sûr impossible de citer tous les pays représentés à Nyon. Et si la Suisse a droit à elle seule à une section autonome, elle n’a rien, elle aussi, de particulièrement uniforme. Les exemples de diversité des différentes sélections ne manquent donc pas. Jusque dans le choix des « Maître du réel ». Alain Cavalier succédant à Peter Greenaway : peut-on imaginer contraste plus violent ?
Mais ce qui est encore plus marquant dans l’identité de Visions du réel, c’est son dynamisme créatif. Luciano Barisone est un vrai découvreur, toujours à l’affut de formes nouvelles dans le cinéma. En témoignent les films sélectionnés dans la section Regard neuf, dont c’est l’essence même, mais tout aussi bien dans les compétitions internationales, les premiers films et les films suisses, toutes ces œuvres dont on n’a, hélas, que trop peu l’occasion de les voir dans les salles de cinéma.
Venant d’Italie, Luciano Barisone n’a pu qu’être séduit par le charme de cette petite citée, Nyon, avec ses vues magnifiques sur le lac depuis les hauteurs du Château. Une contrée qui correspond bien à son caractère tel qu’il se dégage des présentations de films et de cinéastes qu’il effectue, avec les autres membres du comité de sélection, pendant tout le festival. Des présentations faites avec calme et rigueur, et qui donnent toujours envie de voir le film dont il est question et de rencontrer les réalisateurs. Car Visions du réel c’est aussi un lieu de rencontres, d’échanges, de confrontation. On y discute beaucoup de cinéma, et pas seulement dans les séances matinales du Forum. Et pas seulement dans les masterclass organisées avec des cinéastes célèbres dont on a toujours quelque chose à apprendre de leur expérience. Et cette année, les festivaliers étaient vraiment gâtés, avec Alain Cavalier, Gianfranco Rosi et Stéphane Breton. Et puis, Il y a tant de moments de convivialité, dans les salles de cinéma, dans le village du réel, dans les soirées, officielles ou plus informelles. On y rencontre le cinéma du monde entier, on y découvre des richesses insoupçonnées, on peut même être un peu étourdit par le foisonnement de tant d’idées nouvelles.
Vision du réel, un festival dont on en part toujours avec la nécessité d’y revenir.