Borinage, Joris Ivens et Henry Storck, Belgique, 1934, 34 minutes.
Egalement connu sous le titre français de Misère au Borinage, ce film est un classique du cinéma concernant la condition ouvrière, en même temps qu’un classique du cinéma militant.
Filmés dans cette région minière du Hainaut en Belgique appelé le Borinage, les ouvriers dont il est question sont ces mineurs dont certains commencent à descendre au fond de la mine dès 15 ans, pour apporter quelques revenus supplémentaires à leur famille. La caméra n’hésite pas à descendre avec eux pour montrer, dans une étroite galerie où l’on ne peut travailler qu’allongé, l’extraction du charbon. Quelques plans suffisent pour dire l’essentiel, la pénibilité du travail, l’insécurité aussi. Un bref plan d’effondrement de la galerie est suivi du long cortège portant les cercueils des victimes.
Le film s’attarde plus longuement sur les conditions de vie des familles de mineurs. La misère, c’est le manque de nourriture, la sous-alimentation des enfants, les conditions de logement précaires où des familles avec un nombre impressionnant d’enfants s’entassent dans une seule pièce, des conditions d’hygiène réduites où l’eau potable est rare. Des conditions matérielles entrainant une arriération mentale des enfants. Un tableau sombre, dans lequel l’espoir semble totalement absent.
Le film est réalisé après la grande grève de 1932, dont les traces sont encore bien visibles en 1934. Beaucoup de mineurs sont sans travail. Le chômage augmente. Les plus démunis ne peuvent plus payer le loyer des logements, même sans eau et sans électricité, qui appartiennent aux charbonnages. Les expulsions sont de plus en plus nombreuses. Certains n’ont pas de solution, comme cet homme que l’on voit quitter son logis avec un matelas sur le dos, pour l’installer dans un recoin de bâtiment et y faire dormir sa femme et leur bébé. Se pose alors la question de la solidarité et de l’action collective. S’unir pour se défendre et obtenir par la revendication des conditions de vie enfin décente. L’engagement communiste du film est explicite. D’ailleurs son prologue montre une grève et sa répression par la police aux Etats Unis. Ce qui est vécu au Borinage existe dans tous les pays où les patrons font passer leur profit avant toute chose.
Les plans montrant les gendarmes et la police sont nombreux dans le film. Une des anecdotes les plus connues à propos du cinéma militant prend dans ces conditions tout son sens. Ivens et Storck avaient organisé un défilé de mineurs présenté comme célébrant l’anniversaire de Marx. De grands portraits de l’auteur du Capital ouvraient la manifestation. La police entreprit alors de la disperser. Ceux qui en donnèrent l’ordre n’avaient-ils pas compris qu’il ne s’agissait au fond que d’une reconstitution pour les besoins d’un film ? Ou bien pensaient-ils que toute manifestation, même fictive, est toujours dangereuse ? Un bel hommage, indirect, au cinéma !