E COMME ENTRETIEN – Laetitia Carton

  • Quelle formation vous a conduite au cinéma ? Comment s’est déroulée votre carrière depuis ?

J’ai fait l’école documentaire de Lussas en 2004 – 2005. Mais avant j’avais fait les Beaux-Arts de Clermont-Ferrand et de Lyon. C’est d’abord des études d’art qui m’ont amenée au documentaire. Après mes études d’art, j’ai fait un post-diplôme à Lyon et mon tuteur de recherche était Jean-Pierre Rehm, le directeur du FID Marseille, qui m’a vraiment fait connaître le documentaire et ça a été vraiment une révélation. Je n’avais pas vu beaucoup de choses, à part un film ou deux de Varda, mais découvrir pendant un an plein de films documentaires, notamment ceux d’Arnaud des Pallières, c’était une révélation. C’était beaucoup ça qui me convenait que le monde de l’art contemporain dans lequel j’étais à l’époque.

  • Il y a dans vos films une grande implication personnelle, qui va bien plus loin que votre présence à l’écran. Cette dimension est-elle pour vous indispensable ? Peut-on qualifier votre cinéma d’autobiographique ? N’est-ce pas la caractéristique essentielle de votre premier long métrage, La Pieuvre ?

Oui, de la Pieuvre et de tous les autres en fait. Mon cinéma est complètement autobiographique, en tout cas la part de mon histoire personnelle est importante. Je ne fais des films que sur ce que je connais bien, sur ce que j’ai vécu. Je ne sais pas faire autre chose. Ça viendra peut-être mais pour l’instant je ne sais pas faire autre chose. Ça ne m’intéresse pas trop. C’est le cinéma que je préfère en fait.

  • Dans Edmond, un portrait de Beaudoin, le portrait que vous réalisez du dessinateur est bien plus le fruit d’une véritable rencontre interpersonnelle que d’un simple échange de questions et de réponses. Pouvez-vous nous parler de cette rencontre avec le dessinateur et ses œuvres. Comment avez-vous ensuite construit votre film.

C’est d’abord un ami. C’est d’abord une rencontre, et ça devient ensuite un film. C’est comme cela que je travaille. Je ne me dis pas « ah, tiens, je vois quelqu’un à la télé… » D’ailleurs quand je veux faire cela, ça ne marche pas. Donc je ne le fais pas. C’est d’abord parce c’est un ami, quelqu’un avec qui il existe déjà une histoire, que j’ai envie de faire un film avec lui. Ça marche dans ce sens pour mes films.

Comment j’ai construit le film ? C’est avec lui. On a écrit ensemble. On avait envie de faire un film ensemble. Donc on a écrit ensemble. On a imaginé le film ensemble.

laetitia carton 3

  • J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd a (dès le titre) un point de départ personnel. Mais votre film a aussi une dimension militante très marquée. Comment articulez-vous ces deux dimensions ?

En fait dans ma vie je ne fais pas la différence entre le militant et la vie personnelle. C’est parce que j’ai des amis sourds, que je suis concerné par leurs problèmes, la difficulté qu’ils ont à vivre dans la société d’aujourd’hui que j’ai envie de faire un film C’est exactement comme pour Edmond Ca marche dans ce sens. Je ne me dis pas « tiens je ne connais pas de sourds, mais je trouve joli la langue des sourds et je vais faire un film ». Non. C’est parce que depuis 15 ans je connais le monde des sourds et la langue des signes que je fais un film. Ça marche toujours dans ce sens. Donc les deux dimensions, j’ai aucun problème à les mélanger puisque ce sont des films en effet personnel, et que dans ma vie personnelle, le militant, le politique et le personnel sont intimement lié. Je ne fais pas de différence.

  • Pensez-vous que le cinéma engagé puisse avoir une véritable efficience sociale ? Et en particulier dans le combat à propos du handicap dans lequel vous vous engagez dans votre film.

Bien sûr qu’on a envie que nos films changent les choses et marquent les esprits. Après, je ne me suis jamais leurrée. Je ne me suis jamais dit que mon film allait permettre aux sourds de mieux vivre, en 2017, en France. Même si au fond de moi j’aimerais. Mais ça n’a pas été le cas. Ca a ouvert les yeux à plein de gens qui ont vu le film et qui ont découvert ce monde-là. Mais de là à ce que ça fasse bouger les choses. On aimerait tous, je suppose, les cinéastes, que nos films fassent bouger le monde, changent le monde. Ils doivent le changer à leur échelle. Comme on dit, un battement d’aile de papillon peut changer le cours des choses à l’autre bout du monde. Même nos petits gestes, l’infiniment petit fait quand même bouger l’infiniment grand.

  • Pour votre participation à la série La visite vous vous mettez en scène avec une jeune fille handicapée à qui vous faite découvrir l’art moderne dans un musée. C’est un film chargé d’émotion…

Je ne me mets pas en scène en fait…C’est Julie qui m’a attirée dans le cadre. Ce n’était pas du tout prévu que je sois dans le film autant que ça. Elle nous y attire irrésistiblement, puisque de toute façon, Julie elle est dans la relation. C’est un film sur la relation. Ce n’est pas un film sur l’art ou sur une visite. Julie, c’est la relation à l’autre qui l’intéresse. Je ne pouvais pas rester de l’autre côté de la caméra. Elle m’a attirée. Oui, c’est un film chargé d’émotion. Je ne sais pas. Je ne suis pas objective. Je suis contente que vous le disiez.

  • Avez-vous des références précises, ou des sources d’inspiration particulières, dans le cinéma documentaire.

J’ai cité tout à l’heure Arnaud des Pallières, sinon, j’en ai plusieurs, mais il y a van der Keuken, Agnès Varda, les belges Lehman et Pauwels (Lettre d’un cinéaste à sa fille), qui est ce que j’aime bien dans le cinéma documentaire, tous ceux qui parlent du je, à la première personne

  • Parlez-nous de votre travail en cours et de vos projets.

Je termine cette semaine le montage image de mon film sur le bal qui s’appelle Le Grand Bal, qui est un film sur un grand bal qui dure 7 jours et 8 nuits. C’est un film sur l’amour, la danse, la vie et qui sortira je l’espère en 2018.

yeux d'un sourd

 

 

 

 

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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