Le jardin de Jad, Géorgi Lazarevski, 2007, 61 minutes.
Jad est un vieil homme qui vit, au milieu de femmes en fauteuil roulant ou grabataires dans leur lit, dans une maison de retraite, plutôt un hospice, dénommé Notre Dame de la Douleur. Lui, comme il peut marcher, sans canne, il déambule dans les longs couloirs déserts ou dans les rues avoisinantes. Passe-t-il une vieillesse heureuse ? Il pourrait, si…

Si son pays n’était pas occupé ! Une occupation qui prend une tournure de plus en plus dure, modifiant considérablement les conditions de vie. Car à l’omniprésence de son armée, l’État d’Israël ajoute un mur, une « barrière de sécurité » comme il l’appelle. Une expression qui ne trompe personne en fait, et surtout pas les Palestiniens. Il s’agit bien purement et simplement d’un mur de séparation, reléguant les occupés de l’autre côté, leur interdisant le passage d’un côté à l’autre.

Le mur passe tout près de la résidence de Jad. Il ne peut pas l’ignorer. Même s’il reste quelque peu incrédule, étonné devant la monstruosité du projet. « Est-il haut » demande-t-il ? 9 mètres, effectivement, c’est haut. « Il passe où ?» poursuit-il. Partout lui est-il répondu. « Il sert à quoi ? » « A rien ». Tout est dit dans cet échange.

Le jardin de Jad ne montre pas à proprement parler les ouvriers construisant le mur. D’où cette impression qu’il s’érige tout seul, qu’il sort de la terre poussé par une puissance maléfique que rien ne peut arrêter. Le cinéaste s’arrête juste sur un incident qui pourrait être comique dans un autre contexte. Dans une de ses petites promenades aux abords de sa résidence, Jad croise un immense camion qui transporte les blocs de béton du mur. Bloqué dans un tournant étroit de la rue, il tombe en panne. Impossible de repartir. Problème de moteur. Mais on pourrait tout aussi bien y voir un signe…

Le film s’ouvre sur une séquence qui résume à elle seule l’histoire de l’occupation de la Palestine. Une échelle en bois posée sur un mur. Des femmes qui, l’une après l’autres, franchissent grâce à elle, l’obstacle. Tout au long du film nous retrouverons ces échelles et ceux qui les escaladent pour passer, passer coute que coute, de l’autre côté. Car bien sûr ce franchissement est dangereux. L’un d’eux n’a pas la chance de passer inaperçu. Arrivé de l’autre côté il stoppe, comme pétrifié. La caméra panote vers la droite et nous découvrons trois soldats en armes. Sans doute leur intiment-ils d’ordre, que nous n’entendons pas, de les rejoindre, ce qu’il fait. Et il est emmené, on ne sait où, visiblement prisonnier.

L’occupation, en Palestine, c’est d’abord la suppression de la liberté de mouvement, de déplacement. Ce que concrétise de façon définitive, le mur. Dans l’hospice, un fils rend visite à sa mère, clouée dans son lit. Il raconte les difficultés qu’il a eues pour venir. Et exprime sa crainte : avec le mur il ne pourra sans doute plus venir du tout.

Le jardin de Jad est un film où la guerre est laissée hors champ. Pas de fusillade, pas d’éclatement de bombe, pas d’avion dans le ciel. Mais ce calme n’est bien sûr qu’apparent. Le mur, dans sa présence envahissante, est une violence silencieuse, tout aussi oppressante. Qui ne laisse personne en paix. Même pas la vieillesse.
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