M COMME MANOUCHE.

Les Fils du vent. Bruno Le Jean. France, 2012, 96 minutes.

            Ce film n’est pas seulement un documentaire sur le jazz manouche centré sur quatre de ses représentants les plus connus actuellement (Angelo Debarre, Moreno, Ninine Garcia, Tchavolo Schmitt), c’est aussi une rencontre avec toute une communauté, un mode de vie différent de la majorité mais auquel ces « gens du voyage » tiennent par-dessus-tout.

            La musque, pour les manouches, c’est toute leur vie. Le film nous la fait découvrir, ou redécouvrir sous tous ses aspects. Les musiciens, ces virtuoses de la guitare, ne pourraient vivre sans elle. Une semaine sans toucher sa guitare, affirme l’un d’eux, c’est totalement impensable. Qu’ils jouent seuls ou en groupe, dans un concert ou un festival, en répétition ou dans une fête d’anniversaire, ils ont toujours tous le même plaisir de jouer, jouer encore et toujours. La guitare, ils l’on apprise dès leur plus jeune âge et leurs enfants, les garçons du moins, l’apprennent à leur tour comme ils l’apprendront aussi le moment venu à leur propre descendance. Et cela dur depuis plusieurs générations. Depuis Django Reinhardt au moins. Django, c’est leur maître à tous, leur référence incontestable et incontestée. Se recueillir sur sa tombe, y déposer un médiator, est un pèlerinage que les parents doivent faire faire aux enfants. Cela en dit long sur leur admiration pour le musicien, et l’homme. Sa façon de jouer avec deux doigts (sa main gauche ayant été quasiment détruite dans un accident) est proprement incompréhensible rationnellement. La marque incontestable du génie.

            Si les manouches sont prioritairement perçus comme des musiciens, ce sont aussi des voyageurs, ce que le film aborde avec tout autant de précision. Le voyage, pour eux, c’est la liberté, l’amitié, la vie en caravanes par opposition au domicile fixe. Le film ne gomme pas les contraintes auxquelles les gens du voyage sont confrontés, l’impossibilité d’avoir une carte d’identité puisqu’ils n’ont pas d’adresse à donner, les difficultés de plus en plus grandes pour trouver un lieu où stationner, le manque de point d’eau pour se ravitailler. Surtout les musiciens, qui deviennent ainsi les portes parole de leur communauté, insistent sur les discriminations toujours aussi importantes dont ils sont victimes. Pourtant, aucun d’eux ne porte de jugement négatif sur les modes de vie qui ne sont pas les leurs. Ils demandent simplement, mais c’est fondamental, d’être acceptés tels qu’ils sont, heureux de vivre, de voyager et de jouer de la guitare.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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