I COMME IMMEUBLE – Paris.

Les enfants du 209 rue Saint Maur Paris X°. Ruth Sylberman, 2017, 103 minutes.

Les immeubles parisiens au XX° siècle, toute une vie, toute une histoire. Surtout dans les quartiers populaires. Le 209 de la rue Saint Maur en est un bon exemple. Autour de 300 habitants au moment de la seconde guerre mondiale. Six étages, trois escaliers autour d’une cour où réside la concierge. Pas d’ascenseur. Et des appartements souvent réduits à deux pièces où peuvent vivre des familles de 2, 3 ou même 6 enfants. Un microcosme donc où la guerre et l’occupation ont laissé leurs traces, des plais encore vives qu’il est toujours douloureux de faire resurgir du passé.

Qui étaient ceux qui vivaient là en 1939 ? Que sont-ils devenus ? Est-il possible de retrouver aujourd’hui des « survivants » ? Ceux qui avaient moins de 10 ans en 1940 et qui sont aujourd’hui, dans leur vieillesse, les dépositaires de la mémoire vive de l’occupation à Paris.

Ruth Sylberman entreprend une grande enquête pour les retrouver. Elle consulte le dernier recensement effectué avant-guerre. Elle établit le plan de l’immeuble, resitue à chaque étage ceux dont elle a retrouvé le nom et l’adresse. Les premières rencontres permettent de préciser les conditions de vie, à l’aide de maquette des appartements et de dessins des étages. Petit à petit, les liens de voisinage apparaissent. C’est bien sûr le plus important, pour reconstituer la vie des familles, et plus particulièrement la vie des familles juives.

La date qui devient alors le point de cristallisation de cette histoire de l’occupation parisienne est le 16 juillet 1942, jour de la rafle du Vel d’Hiv. Que s’est-il passé de jour là et dans les jours qui suivirent. Qui a été arrêté et qui a échappé à la police française ? Et comment ?

La cinéaste reconstitue patiemment les événements, poussant ceux qu’elle retrouve à fouiller dans leur mémoire. Tout devient alors très concret. Il y a les familles où le père est le premier arrêté. Puis celles où les hommes sont séparés des femmes, et de leurs enfants. Dans l’immeuble, il y a ceux qui sont dénoncés par des voisins, pouvant habiter sur le même palier. Et il y a ceux qui cachent les enfants juifs. Des gestes qui peuvent paraître tout simples, et même évidents. Et pourtant il fallait beaucoup de courage pour prendre le risque d’être à son tour l’objet d’une arrestation. Le film devient ainsi un bel hommage à tous ceux qui n’ont pas cédé devant l’occupant.

Ruth Sylberman a parcouru le monde entier pour retrouver ceux qui pouvaient encore témoigner sur cette période trouble. Dans la dernière séquence du film elle réunit tout ce monde dans la cour du 209 rue Saint Maure. Rarement le cinéma n’avait réussi à réaliser un tel moment si chargé d’émotion et de sens.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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