Clichy pour l’exemple. Alice Diop. France, 2006, 50 minutes.
Il y a un avant et un après 2005 à propos des banlieues. La télévision, bien sûr s’est mobilisée pendant les émeutes et immédiatement après. Reportages, enquêtes, il s’agissait de rendre compte des événements, rarement de les analyser en profondeur. Il est banal de dire que la télévision est condamnée à l’immédiateté. Le cinéma documentaire, lui, prétend prendre le temps de la réflexion, avec le recul nécessaire pour ne pas être influencé par l’air du temps, les discours officiels et les stéréotypes de tout poil. Les documentaires sur la banlieue sont alors un bon indicateur de l’état de la société et de la pertinence des analyses qu’elle est capable de développer sur elle-même.

Le film d’Alice Diop trouve son origine, comme d’autres de la même époque, dans les émeutes de 2005. Il est d’ailleurs dédié à Bouma Traoré et Zyed Benna, les deux adolescents dont la mort, à Clichy-sous-Bois, fut leur point de départ. Automne 2005, « les banlieues se rappellent à la République ». Il s’agit alors, presque un an après, de comprendre la révolte des jeunes de ces cités, ce ras le bol qui dégénéra en tant de violence. Les problèmes que connaissaient alors les habitants de ces quartiers défavorisés ont-ils disparu? La cinéaste ne cherche pas à dresser un bilan des actions qui ont été entreprises et de ce qui reste à faire. Elle filme certains aspects de la vie quotidienne. Et surtout, elle donne la parole aux habitants, les jeunes en particulier, ceux qui au sortir de l’école ne trouvent pas de travail, même s’ils ont décroché un diplôme, un BTS par exemple. Ce qui s’exprime alors c’est « la souffrance du quotidien ».

Le film s’ouvre sur l’évocation de l’action d’association comme « Assez le feu » dont le bus effectue un tour de France des quartiers pour constituer un cahier de doléance. Il se termine sur l’intervention du maire de Clichy, dont les propos ont un certain goût d’impuissance. Entre les deux, les problèmes du logement, de l’école, du travail et des transports seront abordés à travers des cas concrets ayant valeur d’exemples parmi tant d’autres. Le logement, ce sont ces grands immeubles regroupés en cités dont des vues d’ensemble nous donnent une idée de leur concentration. Des plans sur Les cages d’escalier recouvertes de tags suffisent à montrer la détérioration, sans parler de cet appartement où il faut enlever la moquette à en cause d’infiltration d’eau. Pour l’éducation, nous assistons à un conseil de classe de fin de troisième en collège. Certains élèves, ceux qui ont les meilleurs résultats, sont orientés vers une seconde générale, les autres en BEP. Il est clair qu’ils n’auront pas tous les mêmes chances dans la vie. Mais de toute façon, trouver du travail à Clichy, quand on est de Clichy, même si l’on fréquente assidument la mission locale, est quasiment mission impossible, comme nous le montre le cas de ce jeune quoi n’a jamais « le profil » pour tous les emplois auxquels il postule. Le problème du transport est enfin évoqué dans une réunion des élus du département. Le maire de Clichy plaide pour que sa ville soit enfin désenclavée. Mais visiblement les élus des autres communes n’ont pas l’air particulièrement prêt à le soutenir.

L’avenir de Clichy peut-il s’éclairer ? Certes, le film offre une note optimiste à travers ces jeunes qui repeignent des cages d’escaliers et ces enfants qui les décorent. Mais cela suffira-t-il à éviter un nouvel embrasement des cités ?
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