C COMME COLLEGE -Belge.

L’école de l’impossible (fragments de vie). Thierry Michel et Christine Pireaux, Belgique, 2020, 104 minutes.

La vie d’un établissement scolaire secondaire belge filmé pendant une année scolaire, depuis la rentrée des enseignants et le discours d’accueil de leur directeur, jusqu’aux examens finaux et l’annonce de leurs résultats. Une vie que nous suivons dans le moindre détail, une immersion centrée surtout sur les élèves, mais qui n’ignore nullement les enseignants et le personnel de surveillance et de direction. Les parents eux sont peu présents. Ils ne sont physiquement dans l’établissement que lors des rencontres parents-profs. Et le film ne sort guère du périmètre du collège que pour des plans de coupe sur son environnement urbain.

Un environnement très nettement industriel, même si on sait par ailleurs que la ville est plutôt sinistrée depuis la fermeture des hauts-fourneaux et la disparition de la sidérurgie. Les images, souvent aériennes, du quartier font immanquablement penser aux difficultés sociales et économiques liées au développement du chômage. Des difficultés qui imprègnent les récits de vie des élèves recueillis par les cinéastes. Des récits (« fragments de vie » dit le titre complet du film) marqués par une grande sincérité. Ces élèves, qui ont entre 14 et 18 ans, parlent d’eux sans fausse pudeur, sans rien cacher de leurs difficultés et de leurs défauts. Un garçon évoque par exemple, sans chercher la moindre excuse, le braquage qui l’a conduit pour 10 mois en prison. Un autre évoque aussi directement son addiction à la drogue. Bref, si nous sommes en Belgique, il est très vite évident dans le film qu’il n’y a dans ces récits aucun particularisme – ou régionalisme. Ces adolescents pourraient très bien avoir été filmés dans les banlieues parisiennes ou marseillaises. Et si le film ne nous donne aucune précision sur le fonctionnement institutionnel de l’école en Belgique, nous n’en avons au fond par besoin.

Les élèves sont filmés en cours, dans des comportements collectifs donc et en entretiens individuels -seuls face à la caméra – où c’est leur intimité qui est en jeux, en réponse parfois à des questions du cinéaste. Sont abordés ainsi successivement les grandes questions que pose la scolarité des adolescents et la construction de leur identité personnelle.

Que pensent-ils de l’école. Le film ici n’y va pas par quatre chemins. « L’école c’est chiant » dit la première fille interrogée. Le ton est donné. Aller à l’école ne va pas vraiment de soi. Les retards sont systématiques – il est si dur de se lever le matin. Et l’absentéisme atteint des proportions proprement sidérantes. Pourtant le film se clos sur une note d’optimisme réconfortant. « J’adore apprendre ; j’adore l’école » dit avec un large sourire une autre élève qui vient d’apprendre qu’elle a réussi ses examens. Pourtant nous savons qu’elle avait interrompu ses études pendant deux ans. Même s’il reste unique, ce succès peu presque nous faire oublier la litanie des difficultés scolaires qui se sont accumulées tout au long du film.

Côté enseignants, ce sont d’abord les difficultés du métier qui sont mises en évidence. Difficile en effet de faire respecter le silence et le calme dans la classe. Les exclusions du cours sont fréquentes et les confiscations de portables régulières. Pourtant le travail en petits groupes se déroule dans une ambiance studieuse et les débats sur des questions d’actualité mobilisent la réflexion de tous. Il est vrai que les sujets choisis (« balance ton porc » par exemple et le harcèlement dont beaucoup de filles sont victimes) sont on ne peut plus proches de leurs préoccupations.

Le directeur reçoit souvent les élèves en infraction avec la discipline de l’établissement (l’absentéisme systématique ou des actes de violences). Toujours bienveillant envers les élèves, il ne pratique pas la sanction systématique. La plupart des enseignants que nous suivons se montrent aussi attentifs aux problèmes personnels des élèves. Pour eux, il est clair que leur tâche éducative est prioritaire par rapport à l’enseignement proprement dit. Au fond, cette attitude d’écoute est de soutien a non seulement un effet positif sur le climat général de l’établissement, mais permet aussi à un certain nombre d’élèves – pas tous néanmoins – de réussir leur scolarité et d’envisager un avenir – notamment professionnel – correspondant à leurs rêves.

A l’image de cette élève pratiquant avec passion la boxe et qui triomphe dans un combat difficile, on en vient à penser que ce qui est souvent donné à priori comme impossible ne l’est au fond jamais définitivement.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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