This train I ride. Arno Bitschy, Finlande, France, 2019, 75 minutes.
Partir. Voyager. Sac au dos. Prendre le train. Mais pas un train de voyageurs. Surtout pas. Choisir un train de marchandises. Un de ces trains, longs, interminables, qui parcourent les États-Unis dans tous les sens. Monter sur une plateforme entre deux wagons. Ne pas se faire voir. Peu importe la destination, qu’elles ne cherchent pas à connaître. Passagères clandestines.

Le film de n’est pas un road movies. Il en pervertit plutôt les codes. D’abord parce qu’on n’est pas sur une route, en voiture. Les automobiles servent juste à faire du stop. Mais visiblement ça ne marche par fort. Et puis surtout, il n’y a pas d’hommes dans les trains qu’empruntent ces fans du voyage en solitaire. Des filles dont le film ne remet surtout pas en cause la féminité. Mais elles, sont en rupture de famille, en rupture de société. Et elles n’ont peur de rien.

Toute la première partie du film se passe sur ces trains. Le cinéaste s’est glissé avec les voyageuses sous les wagons. Sa caméra nous donne un aperçu de ce qu’elles voient toute la journée, les paysages qui défilent, des paysages souvent époustouflants. Avec dans les oreilles le bruit saccadé des roues sur les rails. Mais le but du voyage n’est pas le tourisme. Dans les courbes de la voie nous pouvons juger de la longueur du train, ces « monstres d’acier » comme elles disent. Un type de voyage qui ne peut être qu’une passion. Une passion dévorante, irrationnelle sans doute, mais qui donne sens à toute une vie.

Lorsqu’il ne voyage pas, entre deux trains, le cinéaste prend le temps de discuter avec ses compagnes de trip. Elles évoquent bien sûr les raisons de leur décision de tout quitter, le refus d’une vie étriquée, une haine diffuse du conformisme familial. Elles parlent aussi de leurs conditions de voyage, les précautions qu’elles prennent et leurs moyens de défense en cas d’agression. Mais aucune ne dit avoir été placée dans des situations périlleuses. Et elles ne sont jamais contrôlées. Le seul gagner c’est celui qu’il leur fait affronter pour monter à bord du train en marche.

Ce film est une ode à la liberté, qui retrouve la beauté d’une nature sauvage. Les villes ne sont vues que de loin, et de nuit. Les montagnes enneigées sont autrement attirantes. Et puis, voyager gratuitement, clandestinement, a une saveur inégalable.
Escales documentaires, La Rochelle, 2020.