Falconetti. Paul Filippi, 2019, 52 minutes.
Ce film est un tombeau, au sens du Tombeau d’Alexandre de Chris Marker, une lettre personnelle, une adresse directe à une personne disparue. Une façon de lui rendre hommage et en même temps de faire retour sur sa vie, sa carrière, ses succès et ses échecs.

Paul Filippi s’adresse donc personnellement à Falconetti – elle a elle-même gommé son prénom – la grande actrice qui triomphait sur toutes les scènes de théâtre parisiennes au début du XX° siècle. Mais c’est grâce au cinéma qu’elle passa à la postérité. Repérée par Carl Dreyer, elle devint une véritable icone dans le rôle-titre du chef-d’œuvre du cinéaste danois, La Passion de Jeanne D’Arc. Et le film de Filippi devient du coup un hommage à Dreyer. Et au cinéma dans son ensemble.

Le film est construit essentiellement avec des archives d’époque où nous pouvons découvrir l’actrice du temps de sa gloire, sur les scènes de théâtre, saluant son public, ou dans la vie mondaine du Paris des années folles, à la terrasse des cafés sur les Champs-Elysées ou dans les réceptions chez ses riches admirateurs. Mais il ne s’agit là, au fond, que d’une réalité qui reste anecdotique. Ce qui importe pour le cinéaste qui se penche aujourd’hui sur cette carrière, c’est son rôle dans le film de Dreyer.

Filippi a retrouvé un entretien avec Dreyer où il raconte sa rencontre avec Faconetti. Il la repère au théâtre alors qu’il cherche qui pourra tenir le rôle de sa Jeanne d’Arc. Il sent immédiatement que derrière la façade de la diva, il y a un être en souffrance. Et c’est cette profondeur de l’actrice qu’il saura exploiter à merveille.

Dreyer raconte comment il fait entrer Falconetti dans le personnage de Jeanne D’Arc, lui demandant d’être sur le plateau de tournage très tôt le matin et la faisant attendre jusqu’à 6 heure du soir pour tourner un plan. Il y a bien sûr une relation particulière entre le metteur en scène et son actrice. C’est peut-être dans cette relation que réside l’explication de la réussite exceptionnelle du film. Filippi en fait une démonstration saisissante, en multipliant les extraits du film qui sont des gros plans du visage de Jeanne. Un filmage de son visage qui rendra l’actrice immortelle.

Filippi évoque la vie de Falconetti, ses relations avec ses parents – son père tyrannique et brutal. Il rencontre sa fille, une fille qu’elle n’a pas élevée -elle l’a confiée très vite à sa grand-mère. Il entre rapidement dans ses histoires de cœur, sa relation avec les hommes. Une vie tumultueuse à ce niveau. Et il insiste sur sa passion du théâtre et son besoin de succès. La fin de sa vie sera peu glorieuse. Son décès à Buenos Aires restera mystérieux. Même pour sa fille.

Si le tombeau est d’abord un genre littéraire et poétique (Mallarmé) ; Chris Marker en fit un genre cinématographique un peu tombé dans l’oubli. Avec Falconetti et son commentaire littéraire écrit en première personne, Filippi en reprend avec brio le flambeau.