A COMME ALGÉRIE – Guerre

Ne nous racontez plus d’histoires. Carole Filiu-Mouhaki et Ferhat Mouhali, 2020, 88 minutes.

Un couple mixte. Lui est algérien et elle française. Elle est journaliste et lui cinéaste. Ils décident de faire un film ensemble. Sur le sujet qui leur tient le plus à cœur : la guerre d’Algérie, vue aujourd’hui des deux côtés de la Méditerranée.

Un film enquête à deux voix, qui s’interpellent, qui se répondent, qui se complètent. Un dialogue familial d’abord, mais qui prend une très vitre toute autre dimension pour devenir un dialogue entre deux pays, deux visions d’une même réalité historique, les systèmes de représentations des différents belligérants. Les deux camps sont-ils enfin réconciliés ?

La guerre d’Algérie a-t-elle encore ses zones d’ombre ? Des faits inconnus, ou passés sous silence, ou oubliés, ou devenus tabous ? Que reste-t-il encore à découvrir, à mettre au grand-jour, dans cette réalité si complexe, et qui qui peut réveiller bien des souffrances chez les différents acteurs et leurs descendants. Faut-il réveiller les vieilles plaies ? Se sont-elles d’ailleurs jamais refermées ?

L’enquête menée par notre couple de cinéaste commence par une implication personnelle dans le cadre familiale. Carole interroge son père, pied-noir rapatrié en France juste avant l’indépendance de l’Algérie. Comment se retour s’est-il passé ? Fallait-il partir le plus vite possible, sans attendre un dénouement inévitable ? Ou rester coûte que coûte, comme ceux qui vont devenir les activistes de l’Algérie française. Le père évoque ses souvenirs d’enfance, le choc du premier attentat. Il feuillette avec sa fille son album de famille, commente les photos de cette vie heureuse qu’il faudra abandonner.

Ferhat lui interroge sa grand-mère. Il doit insister pour qu’elle raconte les années de guerre. Elle énumère les morts, ceux qui ont été torturés et tués par l’armée française. Elle chante une chanson, la chanson de la résistance à l’occupation française. Le cinéaste propose alors beaucoup d’images de la Kabylie, des plans fixes sur les montagnes. Un hommage aux combattants de cette région.

Les deux enquêteurs s’efforcent chacun de leur côté d’évoquer les faits et de donner la parole aux différents acteurs de l’histoire. Du 8 mai 45 (le massacre en répression d’une manifestation) au déclenchement de la « révolution » algérienne (une cérémonie dans une école pour son anniversaire). Carole se rend dans un lycée dans le lot et Garonne, interroge profs et élèves. Un enseignant d’histoire insiste sur le peu de place donnée à cette guerre par les programmes et les manuels scolaires. Pas étonnant alors que les élèves en ignorent presque tout. Carole filme un cours où sont invité d’anciens soldats de l’armée française, ces appelés qui partaient en Algérie sans savoir qu’ils allaient faire la guerre. Une jeune fille pose la question « avez-vous pratiqué la torture ? ». La réponse affirmative est franche, et d’expliquer alors l’usage de la gégène. Un grand moment d’éducation.

Le film se focalise ensuite sur différentes facettes de la guerre et de ses répercussions. Des rencontres toujours signifiantes et qui donnent une vision très lucide de l’histoire. Ainsi de ce représentant des « pieds-noirs progressistes », ou ce « porteurs de valise », ces jeunes étudiants qui clandestinement venaient en aide aux algériens en France. Côté algérien ce sont des militants du FLN qui ont la parole.

A noter une séquence très documentée sur le problème des Harkis, illustrée par des images du camp de Rivesaltes dans les Pyrénées orientales où ils furent « internés » dans ce qui était un véritable camp de concentration malgré la dénégation officielle.

A propos de la guerre d’Algérie, le devoir de mémoire reste fondamental. Par sa densité et sa rigueur ce film œuvre grandement à la réconciliation.

PriMed 2020

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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