Le Kiosque. Alexandra Pianelli, France, 2019, 78 minutes.
Métier : marchand de journaux. Lieu : le kiosque de la place Victor Hugo, Paris dans le 16° arrondissement, les « beaux quartiers ».
Il s’agit donc d’abord dans le film, de présenter ce métier, d’en expliquer le fonctionnement, les obligations et les contraintes, son évolution aussi à l’heure d’internet et de la disparition progressive de la presse papier. Un métier présenté à l’aide d’une carte du quartier et de petites maquettes en carton qu’une main alerte anime. Et puis nous sommes sur place pour visualiser l’ensemble des titres, leur place respective, comme l’emplacement des pièces à portée de la main pour rendre plus facilement la monnaie.

La cinéaste connait bien ce kiosque et ce métier. Il est actuellement tenu par sa mère, qu’elle remplace pour un temps ; le temps du film. Avant la mère c’était la grand-mère qui travaillait là. Plusieurs générations se sont succédé dans ce kiosque. Du coup le film a un petit air de saga familiale et la séquence finale qui voit le kiosque démonté et chargé sur un camion ne peut qu’être émouvante.

La caméra est placée à l’intérieur du kiosque dans cet espace plus que restreint, ce qui empêche tout effet de changement de cadre. Nous voyons la rue et ses passants, la banque située en face du kiosque, et les magasines situés sur les côtés du kiosque. Lorsque la caméra s’incline, c’est pour voir les pieds de la cinéaste devenue vendeuse de journaux.

Cette contrainte de filmage a un intérêt certain : voir les clients. Le film dresse donc les portraits de quelques habitués, un SDF que tout le monde aime bien, un vieux messier qui offre des gâteaux et une vielle dame, et ainsi de suite. Tout ce petit monde se retrouvera pour fêter le départ à la retraite de la mère de la cinéaste. Le kiosque familial, c’est bel et bien fini. On ne peut manquer de penser au portrait réalisé par Alain Cavalier, de la fin d’activité de Léon, le cordonnier qui lui aussi prend sa retraite après une vie professionnelle bien remplie dans sa petite boutique parisienne. Alexandra, elle, pourra se consacrer au cinéma.

Pour autant, le film ne se limite pas à cette dimension « filmer le travail ». Ou alors il faut le comprendre comme un projet de filmer le cinéma en train de se faire, de l’intérieur donc, avec l’intervention systématique de la cinéaste expliquant son projet et les aspects principaux de sa réalisation.

Finalement, le Kiosque est un film qui se regarde avec plaisir car il ne manque pas d’humour. Il sait aborder les problèmes économiques et sociaux avec une certaine légèreté, mais sans simplification. Une tranche de vie personnelle et professionnelle, qui parle à tout le monde. Les kiosques à journaux font partie du paysage urbain. Leur disparition serait une déshumanisation supplémentaire de la vie citadine.
Festival Filmer le travail, Poitiers, 2021
Voir Alain Cavalier : 6 portraits XL