Leur Algérie. Lina Soualem, France-Algérie, 2020, 72 minutes.
Le grand-père et la grand-mère de la cinéaste. Après 62 ans de mariage, ils décident de se séparer. Ils vont vivre chacun de leur côté, mais dans deux immeubles qui se font face. Sont-ils vraiment séparés ? La cinéaste ne comprend pas ce qui s’est passé. Et pour essayer d’y voir plus clair, elle décide de faire un film. Une bonne occasion de se pencher sur la vie de ce couple d’immigrés algériens, venu en France dans les années 1950 et qui ne sont jamais repartis dans leur pays.

Ils se sentent pourtant aujourd’hui encore algériens. Dans les premières années de leur vie d’immigrés, ils prévoyaient bien, comme tous les autres, de repartir en Algérie. Mais ils sont finalement restés, une fois l’habitude installée. Le film évoque, grâce aux questions de la cinéaste, les conditions de cette vie nouvelle, qu’ils semblent ne pas regretter. Ils se sont installés dans une petite ville en Auvergne, Thiers, où le père travaillait comme affuteur de couteaux. Un travail certes pas facile, mais le film ne s’oriente pas vers une critique des conditions faites aux ouvriers. Après tout, travailler en France permettait au couple d’envoyer de l’argent à la famille restée en Algérie.

Rencontrant successivement le grand-père et la grand-mère, le film fait un va-et-vient incessant entre les deux appartements et les activités respectives des deux personnages. Seule interruption à ce face à face, les voyages à Thiers du fils du couple, le père de la cinéaste. Des moments importants dans la vie des immigrés. Le fils, qui poursuit une carrière de mime et de comédien est la preuve de la réussite familiale.

Le film n’explique pas vraiment la séparation du couple, mais le portrait qui est en fait montre deux personnalités si différentes l’une de l’autre qu’on peut s’étonner qu’ils aient pu vivre en couple pendant plus de 60 ans.
Le grand-père est taciturne, peu bavard. Il répond aux questions de sa petite fille par quelques mots seulement et passe ses journées dans une galerie marchande d’un hyper-marché.
La grand-mère par contre est particulièrement dynamique. Elle part souvent de grands éclats de rire, auxquels se mêlent parfois quelques pleurs à l’évocation de certains épisodes de sa vie. Contrairement à son mari, elle a beaucoup d’amies que sa nouvelle vie lui permet de rencontrer quand elle le désire. On a l’impression qu’elle a enfin conquis sa liberté.

La vie de ce couple est en fin de compte assez banale – en dehors de la réussite artistique du fils et de la cinéaste. Beaucoup d’immigrés pourraient s’y reconnaître. Ey les images d’archives familiales – ces fêtes où la famille et la communauté se retrouver pour danser et chanter dans une ambiance de bonheur – jouent bien leur rôle de traces aidant à lutter contre l’oubli. Mais ce ne sont pas des révélateurs de la dimension la plus profonde de l’immigration. Si celle-ci a une face cachée, elle reste inaccessible, pour nous comme pour la cinéaste.
Festival International de Films de Femmes, 2021
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