D COMME DANSEUSE.

A travers Jann. Claire Juge, 2020, 25 minutes.

Un film de danse. Une danse solitaire. Sur le mode entrainement. Des gestes, des mouvements, mille fois répétés, jusqu’à l’épuisement. Une recherche de la perfection. Hors d’atteinte pourtant, tant l’exigence est élevée.

Une danseuse. Solitaire. Tout au long de film, on ne voit qu’elle. On n’entend qu’elle. Une danseuse qui nous offre sa danse, ses mouvements, ses gestes, proches de la perfection.

Un corps de danseuse. Filmé au plus près. En gros plans. En très gros plans même. Des cadrages qui isolent une partie du corps, les mains, les pieds, une aisselle, une cuisse ou plus exactement une partie d’une cuisse, un muscle. Le visage ? Entre-aperçu dans un court mouvement de caméra, partant du sol, pour s’élever le long du corps jusqu’aux yeux, presque. Une maîtrise parfaite du filmage (ce n’est pas étonnant, l’image est faite par Matthieu Chatellier)

Un film donc purement visuel. Qui donne toute sa place à l’image. Qui nous fait savourer l’image. Ces images de corps féminin qui sont autant de tableaux d’une plasticité sidérante.

Mais les images du film vont nous surprendre d’une façon qu’on n’attendait pas. Nous sommes dans un film, nous avons donc affaire à des images animées. Mais est-ce suffisant. La cinéaste, visiblement, n’en reste pas là. Elle va ajouter des animations en surimpression, des coups de crayons, des gribouillages, mais aussi des dessins de silhouette, les contours du corps de la danseuse surtout, qui se détachent de l’image première, qui se superpose à elle, comme un double fugace. Une évanescence insistante pourtant, pour nous donner à voir le corps de la danseuse, non pas sous un autre angle, mais dans un espace second, dédoublé mais fragile, proche de la désagrégation. Des jeux avec la réalité de l’image. Un questionnement sur la nature de l’iconicité.

Et cela correspond – fait écho – au récit que fait la danseuse en voix off. Le récit d’une expérience sensorielle, intense, fulgurante, comme une explosion intérieure soudaine, due à une prise de drogue unique (sous forme d’un gâteau). Une expérience purement artistique et qui donc restera unique. Un bouleversement total de la sensation de son propre corps. Ce corps de danseuse qui peut alors reprendre, poursuivre son travail, ces mouvements qui alors deviennent fluides, et non plus hachés par la répétition. La danse révélée dans sa perfection.

A travers Jann est un film court, mais dense. 25 minutes de pur plaisir visuel.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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