O COMME OPÉRA – Rameau

Indes galantes. Philippe Béziat. 2021 108 minutes.

Une aventure individuelle et collective. Une aventure rare. Une plongée dans l’inconnu.  La découverte d’une terre nouvelle. Tout à défricher.

Un metteur en scène qui n’a jamais monté d’opéra. Cinéaste, artiste plasticien, créateur prolixe, Clément Cogitore prend le risque. Dans le film, il apparait calme, mais déterminé. Il théorise le spectacle, l’anticipe. Un visionnaire.

Et tous les autres, du chef d’orchestre aux solistes, des musiciens aux choristes, de la chorégraphe aux danseurs. Tous embarqués dans cette aventure qui restera pour eux inoubliables.

Les danseuses et danseurs justement, qui occupent une grande place dans le film, qui sont en grande partie le nerf de l’aventure, ceux sur qui repose son sens. Et ses possibilités de succès.

Une troupe de danse urbaine, du hip-hop au krump, en passant par le flexing, la break ou le voguing, tous les styles sont convoqués. Des danseurs qui ne sont jamais monté sur une scène d’opéra at qui vont être en quelque sorte chargés par le reste de l’équipe de donner une orientation nouvelle à cet art si souvent inscrit dans une tradition immuable, malgré bien des expériences plus ou moins récentes. Une volonté de renouvellement, d’inscription dans la modernité. Ici, peut-on dire qu’il s’agit de donner un souffle nouveau à l’opéra, de renouveler le baroque, de proposer une renaissance à Jean-Philippe Rameau. « Les danseurs de rue ont pris la Bastille ». Le cliché est facile. Mais il n’est pas faux.

Le film – de façon assez classique – nous plonge dans la préparation du spectacle. Il en suit toutes des phases, jusqu’à la première, en mettant en perspective l’accueil du public (enthousiaste), avec celui de la critique (plus mitigé). Rien n’est laissé de côté. Les interventions du metteur en scène, ou de la chorégraphe, sont brèves, précises et vont à l’essentiel. Plutôt que de proposer des longues interviews, Philippe Béziat a préféré saisir sur le vif les réactions des uns et des autres. Tous sont conscients de l’importance de leur travail. Tous s’y impliquent totalement. Le sens du collectif est véritablement dominant.

Le film insiste pourtant beaucoup sur la place des danseurs et danseuses. Il s’ouvre d’ailleurs sur leur présentation. Une troupe venue des quatre coins du monde. Où chacun et chacune apporte son style et son expérience. Des rencontres passionnantes.

Le film a aussi l’intérêt de proposer des extraits du spectacle en représentation sur la scène de l’opéra Bastille. L’ouverture d’abord jusqu’au tableau final en passant par des moments forts comme la séquence des femmes en cabine. Le filmage utilise beaucoup les gros plans, mais ne perd jamais de vue le collectif et la globalité de la danse. Clément Cogitore avait réalisé, avant de se lancer dans la mise en scène de la totalité de l’opéra, un court-métrage (six minutes) présentant le groupe de danseurs dans le final des Indes Galantes. Une véritable prouesse cinématographique. Philippe Béziat ne reprend pas tel quel le film de Cogitore mais s’en est visiblement inspiré, dans l’alternance des gros plans et des plans d’ensemble du groupe.

Incontestablement les Indes Galantes version Cogitore resteront un moment important dans l’histoire de l’opéra. Nous devons être reconnaissant à Philippe Béziat de nous avoir donné de cette aventure plus qu’une simple trace, plus qu’un enregistrement, une vision d’un art vivant.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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