S COMME SIDA

La pudeur ou l’impudeur. Hervé Guibert, 1991, 58 minutes.

Dans les années 1990, le monde culturel paya un lourd tribut au sida.

Hervé Guibert, écrivain, photographe, journaliste, critique, disparu en 1991.

Dans les dernières semaines de sa vie il réalisa un film autobiographique, un journal intime où il filme sa maladie.

Ce film peut être considéré aujourd’hui comme une chronique des années sida.

La pudeur, c’est ne jamais dramatiser.

C’est filmer la vie quotidienne comme si de rien n’était. Une vie calme, presque paisible, sans crise, sans bouleversement, sans excès. Une vie qui a eut un début, dont il n’importe pas qu’on se souvienne. Une vie qui aura une fin, inéluctable. Bientôt

La pudeur c’est ne jamais se plaindre, comme si on acceptait son sort. Être résigné, puisque de toute façon il n’est pas possible d’inverser le cours des choses.

La pudeur, c’est faire comme si on avait confiance en la médecine, comme si on pensait qu’elle allait vaincre la maladie, bientôt.

La pudeur c’est ne pas accuser. Ne pas chercher les responsabilités. Ne pas maudire le ciel ou la terre. Prendre simplement les hommes à témoin.

La pudeur, c’est faire un autoportrait, en écrivain, en cinéaste.

La pudeur c’est ne diffuser le film qu’à titre posthume.

L’impudeur, c’est se filmer, sous toutes les coutures, dans toutes les positions presque. Être pratiquement seul à l’écran d’un bout à l’autre du film.

L’impudeur c’est ne pas éviter les gros plans. Filmer ce corps affaibli, amaigri, épuisé.

L’impudeur c’est montrer la vie qui s’éteint, qui disparait peu à peu, comme la flamme d’une bougie qui a épuisé sa réserve de cire.

L’impudeur, c’est la maladie, la mort annoncée, la mort chaque jour plus proche.

L’impudeur, c’est penser au suicide. Parce que la vie est devenue intolérable.

L’impudeur, c’est dire le sida.

La pudeur ou l’impudeur, le cinéaste devrait-il choisir ? Pourquoi ne pas chercher plutôt un équilibre, ou un balancement de l’une vers l’autre, une alternance si régulière qu’elle en devient imperceptible.

La pudeur et l’impudeur alors.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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