T COMME TILO KOTO

Tilo Koto. Sophie Bachelier et Valérie Malek, 2021, 65 minutes.

L’immigration encore et toujours. Le départ d’Afrique, du Sénégal en l’occurrence. La vie en Afrique devenue invivable. Des conditions de vie, des conditions de survie plutôt, devenues de plus en plus difficiles, incertaines, précaires. Partir devient une nécessité. Partir ailleurs. Vers une vie meilleure. Partir pour survivre. Pour vivre vraiment.

Ailleurs c’est l’Europe. L’atteindre par tous les moyens. Même les plus dangereux. Même les plus incertains. Prendre une route secrète. Celle qui peut mener en Europe. Qui doit aboutir en Europe. Qui devrait y aboutir. En passant par le désert, le Burkina Faso, le Niger. Jusqu’en Libye.

Et en Libye, c’est l’enfer. La prison, la torture, le travail forcé, l’esclavage. Cet enfer de la Libye serait-il possible de l’éviter ?

Le film de Sophie Bachelier et Valérie Malek retrace les quatre tentatives de Yancouba  Badj pour gagner l’Europe depuis l’Afrique en passant par la Libye. Quatre tentatives qui se sont soldées toutes par des échecs. Quatre tentatives qui ont échoué en Libye, dans l’enfer de la Libye.

La première partie du film est consacrée au récit de Yancouba  Badj. Un récit noir, sans la moindre lueur d’espoir. Arrivé en Libye, le voyage ne peut que s’interrompre, s’arrêter de la manière la plus tragique qui soit. Un récit qui peut se résumer dans un avertissement, un cri pour prévenir, pour mettre en garde. Ne venez pas en Libye. Fuyez la Libye. Évitez la Libye coûte que coûte. La Libye ne sera pour vous tous, frères immigrés, qu’une terre de malheur.

Atteindre l’Italie depuis la Libye, par la mer, en traversant la Méditerranée, si peu y parviennent. Et le prix demandé par les passeurs est de plus en plus exorbitant. En Libye il est de plus en plus difficile, de plus en plus long, de rassembler cet argent, de plus en plus incertain de pouvoir réunir cet argent. Alors, pourquoi rester en Libye ? Pourquoi ne pas revenir au pays ?

Après quatre tentatives, quatre échecs, c’est ce que va faire …Revenir à son point de départ. Qu’il n’aurait jamais dû quitter.

Et c’est là que le film de Sophie Bachelier et Valérie Malek est vraiment original. Dénonçant les conditions inhumaines faites aux migrants en Libye, Yancouba  Badj en vient à dénoncer le fait de migrer lui-même.

Un changement de perspective qui s’effectue en deux temps.

1 Si l’on ne réussit pas à passer en Italie, ce n’est pas honteux, au contraire c’est une marque de courage, de ne pas rester en Libye et de revenir au pays.

2 Mieux, plutôt que de s’épuiser en vain dans des tentatives infructueuses, il faut renoncer à l’idée même de migration. Ne plus rêver à ce Graal inaccessible ou que si peu parviennent à atteindre. Rester au pays et s’y battre pour construire les conditions d’une vie meilleure.

Pour informer et convaincre, Yancouba  Badj a une arme : la peinture. Depuis son départ de sa Casamance natale, il s’exprime par l’art. Et il semble bien que ce soit efficace. Preuve, le centre culturel qu’il a créé et qu’il a nommé Tolo Koto, « sous le soleil ». Peu à peu, c’est une véritable révolution des mentalités qui s’opère. L’avenir n’est plus uniquement dans cette Europe qui se révèle en fait un mirage.

Tilo Koto : la renaissance de l’espoir.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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