C COMME CHANSON BRESILIENNE

Paraiso. Sergio Tréfaut, Portugal-France, 2021, 85 minutes.

Il est un lieu dans le centre de Rio, le parc public du Palacio de Catete, où se retrouve les amoureux de la chanson pour partager un moment de bonheur intense. Des femmes et des hommes, plutôt âgés, viennent là pour interpréter une ou deux chansons, accompagnés par ceux qui savent jouer d’un instrument (des guitares et autres tambourins) et écoutés quasi religieusement par ceux qui sont bien plus que des compagnons de loisirs, de véritables amis du fait qu’ils partagent la même passion.

La passion de la chanson, et donc de la musique et de la poésie. Des chansons populaires, des chansons d’amour surtout. Dont certaines remontent presque dans la nuit des temps. Des chansons qui ont illuminé leur jeunesse ou qui ont accompagné les étapes de leur vie. Mais qui sont restées vivantes dans leur cœur. Les textes n’ont jamais été oubliés, ou alors ils sont remémorés presque instantanément. De toute façon ils sont connus de toutes et tous. Malgré l’âge, ils n’ont pas la mémoire qui flanche.

Ces moments de partages sont bien sûr placés sous le signe d’une intense nostalgie. Ce qui correspond parfaitement à cette musique brésilienne où domine la référence à la samba. Mais ici, nous ne sommes pas au carnaval. Le rythme est plutôt lent, presque langoureux parfois. Mais il appelle toujours la danse, le mouvement du corps, mais sans déhanchement, avec cette retenue placide qui n’a rien à voir avec l’âge. Si certaines ont du mal à marcher, dès qu’elles chantent on sent bien qu’elles oublient le poids des ans et les douleurs qui vont avec. De toute façon, les voix sont intactes. L’émotion est toujours là, submergeant tout autant les spectateurs du film que les présents dans le parc.

Le film ne se limite pas à ces performances musicales, même si elles occupent la première place. Il arrive au réalisateur de suivre avec sa caméra une chanteuse ou un chanteur dans le trajet du retour à leur appartement. On pénètre un peu dans leur intimité, le temps d’un repas frugal par exemple. Façon de situer le niveau social plutôt populaire de la majorité. Ou bien on assiste à une sorte de répétition, un guitariste et une chanteuse, pour un moment de parfaite entente.

C’est peu dire que tous et toutes éprouvent un immense plaisir – le seul peut-être qui leur soit encore accessible – dans ces moments collectifs de partage. Leur dimension festive est d’ailleurs à son sommet lors de la célébration d’un anniversaire. Et lorsque tous chantent en chœur, de tels moments, rayonnant de bonheur, ne peuvent que faire oublier les vicissitudes de la vie.

Une vie qui continue dans la ville dont on entend en sourdine le murmure continue. Mais sans effervescence. La ville ici est toujours calme, à l’image de ces jardiniers qui, tout au long du film, continuent d’arroser les pelouses qui ont bien besoin d’eau.

Ce film a obtenu le Grand Prix documentaire musical au FIPADOC 2022, Biarritz.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :