La ferme à Gégé. Florent Verdet, 2021, 71 minutes.
Une ferme quelque part en Normandie. Une ferme comme il doit bien en exister encore quelques-unes. Mais qui se font de plus en plus rares, avec les problèmes souvent insurmontables que rencontrent ceux qui se consacrent à l’agriculture ou à l’élevage : une vie de labeur sans vacances, une vie passée à s’occuper jour et nuit des animaux, et tout cela pour un salaire de misère. Une vie passée à se demander presque chaque jour comment on finira le mois. Faut-il faire un nouvel emprunt, pour rembourser le précédent ? Des difficultés si courantes que, de l’extérieur, on aurait tendance à les oublier. Sans parler de la quasi-impossibilité de prendre une retraite bien méritée le moment venu.

Mais Gégé, comme tout le monde l’appelle, n’est pas homme à se laisser abattre. Il sait rebondir. Il a su rebondir en transformant sa ferme en école.
Régulièrement, il accueille des classes, fin primaire et début du collège ; pour faire découvrir aux enfants des villes et des banlieues la campagne, ses animaux et sa végétation, une nature qu’ils n’ont jamais approchée. De quelle couleur c’est un cochon ? Et quelle odeur ça peut avoir ? En vrai.

Regroupés autour de Gégé au milieu du poulailler, ces enfants d’un autre monde vont être amené par ce pédagogue improvisé à se poser des questions essentielles à la compréhension d’un monde où il n’y a pas de grands ensembles. Qu’est-ce qu’il y a dans un œuf ? Est-ce qu’il y a un poussin ? Et pour qu’il y ait un poussin, ne faut-il pas que la poule ait rencontré un coq ? Mais qu’est-ce qu’ils font ensemble ? Gégé insiste pour qu’ils s’expriment librement, reformulant leurs visions du monde mais sans les interpréter. C’est la nature qui apportera elle-même les réponses.

Oui, Gégé est devenu pédagogue. Sans théoriser sa pratique – il évoque quand même son vécu scolaire, son passage forcé d’une classe Freinet à une école traditionnelle avec tout ce que cela implique – ce qui compte le plus pour lui, c’est que les enfants fassent par eux-mêmes le plus de découvertes possibles. Des découvertes banales peut-être, comme chant des oiseaux dans les bois. Mais ce sont à coup sûr des sensations qui deviendront des souvenirs capables d’élargir leur rapport au monde.

Une pédagogie comme il faudrait que chaque enfant en rencontre au moins une fois dans sa vie scolaire.
Et pourquoi ne pas être optimiste, puisque le système éducatif lui-même reconnait pleinement la valeur du travail de Gégé en lui décernant les Palmes académiques.
