Le Dossier 332. Noëlle Pujol. France-Allemagne, 2012, 43 minutes.
Comment parler de son enfance lorsque l’on a été abandonnée à sa naissance par ses parents, lorsque l’on est une enfant de la DDASS ? Comment parler de ses parents lorsque l’on a deux mères, l’une biologique et l’autre, celle qui a réalisé toute son éducation ?
Dans ce film entièrement autobiographique, la cinéaste retrace sa vie, mais ne la raconte pas. Elle la retrace en lisant son dossier administratif tel qu’il existe à la DDASS. De lettres d’assistantes sociales en rapports de décideurs administratifs, nous pouvons ainsi suivre le regard froid de l’institution : les placements et déplacements, le cursus scolaire Cette lecture est très distanciée de la vie réelle, mais la voix de la cinéaste lui donne une chair, la colore d’un vécu qui donne tout son sens à l’entreprise cinématographique de ce film singulier. Ce que renforcent d’ailleurs les images.
La jeune Noëlle dont on suit l’enfance et l’adolescence, jusqu’à sa majorité, n’apparaît jamais à l’écran. Ce qu’elle nous montre ce sont les lieux de sa jeunesse, dans les Pyrénées, la montagne si paisible, la petite ville avec sa rivière elle aussi si calme. Un contraste saisissant avec ce qu’on pourrait imaginer de cette vie marquée par l’abandon, une vie intérieure qu’on a du mal à ne pas imaginée vouée à l’incertitude, à la peine, à l’angoisse. En fait rien de tel. Le film montre un itinéraire de réussite, que concrétise la réalisation du film lui-même. Et du coup il devient exemplaire. Exemplaire de la force que donne la volonté de vivre, exemplaire aussi de la possibilité que donne le cinéma autobiographique de susciter l’émotion en évitant systématiquement tout apitoiement et tout pathos larmoyant.