CHAMBRE MORTUAIRE.

La Chambre. Camille Vidal-Naquet. 2021, 52 minutes.

Tout un film dans la chambre mortuaire d’un grand hôpital parisien. Tout un film à côtoyer la mort, entourés de cadavres. Même s’ils sont enveloppés dans de grands draps, nous ne pouvons oublier qu’ils sont sans vie. Vieux ou jeunes, et même un bébé. Comment ne pas être émus ? Comment ne pas être poussés à quitter ce lieu pour retourner à la vie ?

Et pourtant, le film de n’est pas une épreuve pour le spectateur. Et cela, essentiellement parce que nous sommes dans ce lieu avec ceux qui y travaillent. Pour eux, c’est un métier comme les autres. Un métier qu’ils doivent vivre comme un métier comme les autres. Sinon, ils ne peuvent pas rester là.

Dans deux séquences différentes nous assistons à des séances de formation, ce qui permet à la cinéaste, dans la première de définir la signification du lieu et d’expliquer ce qu’est ce métier que les stagiaires veulent embrasser. C’est la cheffe du service qui le présente. Une femme simple, directe, compétente, responsable. Elle insiste sur le fait qu’il s’agit bien d’un service de soin aux patients, même si ces patients sont décédés.

La seconde séquence de formation est pratique. La formatrice montre les gestes qu’il faut effectuer pour laver le corps, l’habiller, bref le préparer pour le rendre présentable pour entreprendre son dernier voyage.

La cheffe de service explique que la chambre mortuaire est un lieu où la laïcité est effective. Une salle est consacrée aux toilettes rituelles qui sont effectuées à la demande des familles religieuses, israélite et musulmanes, mais aussi bouddhistes et même polynésiennes ! Toutes les demandes sont acceptées. Pourtant ce personnel sait mieux que quiconque que devant la mort, nous sommes tous identiques.

On est frappé par le sérieux de ce personnel dont on ne sait pas les conditions dans lesquelles ils ont choisi ce métier. L’une d’elle dit que c’est purement par hasard qu’elle a atterri dans cette équipe. On veut bien croire qu’il ne peut s’agir d’une vocation. Tous le vivent comme un métier effectivement comme les autres. Ils n’hésitent pas à discuter de leur vie personnelle en habillant les défunts et ils plaisantent comme tout un chacun. Reste qu’ils ne peuvent éviter l’émotion dans certaines situations, comme lorsqu’il leur faut faire la toilette d’un nourrisson pour qui la vie a été si courte. La cheffe de service va devoir accueillir la mère, mais cette situation qui ne peut être qu’extrêmement dramatique ne sera pas filmée De toute façon même si la relation aux familles fait partie du métier, elle reste systématiquement hors champ. Ce n’est pas le sujet du film.

Le filmage de la mort, des corps sans vie, est d’ailleurs tout au long du film, plein de pudeur, les cadrages évitant, même lorsqu’il s’agit de gros plans, de s’arrêter sur une partie du visage. Tout est fait pour que l’anonymat soit respecté.

Dans la dernière séquence du film, une des femmes que nous avons vu travailler dans la chambre mortuaire, sort devant l’hôpital. C’est le seul moment où nous ne sommes pas enfermés. Façon de dire que la vie existe. Mais travailler avec la mort est certainement une leçon continue d’humilité

Festival Vrai de vrai, SCAM, 2022

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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