ENTRETIEN Maël Mainguy – Les Nouveaux Jours Productions.

Pouvez-vous nous présenter Les Nouveaux Jours Productions.

C’est une société qui est jeune. On a un peu plus de deux ans d’existence. Mais on l’a créée avec plusieurs professionnels assez chevronnés. On a donc une expérience plus large que cette jeune existence. Elle est née d’une envie un peu commune de changer un peu certains paradigmes qui existent dans nos professions. On a créé une Scop, société coopérative de production, ce qui est assez rare dans nos métiers. On avait envie de changer la manière de s’y prendre et de partager un petit peu le travail dans une société de production assez hiérarchisée, organisée autour d’associés qui sont essentiellement producteurs et productrices. L’idée est que le capital et l’actionnariat soient un peu plus représentatifs de l’ensemble de la chaîne de production. C’était un biais qu’on voulait tester. De façon à avoir une gestion un peu plus collective. D’impliquer aussi bien des chargés de production que des journalistes, que des réalisateurs et réalisatrices. Et ça c’était assez important pour nous, pour plusieurs raisons. La production d’un film est souvent basée sur une équipe. On trouvait qu’il y avait une correspondance entre ce travail en équipe autour du film et le travail en équipe autour de la société. On a aussi constaté qu’il y avait beaucoup de difficultés pour certains métiers de la production d’accéder à l’actionnariat de la société. On voulait rompre cette espèce de plafond de verre de façon à faire accéder à l’actionnariat des postes qui en général n’y accède pas. En plus la Scop a aussi un intérêt qui est de répartir les bénéfices. Que ce soit un peu plus équitable sur l’ensemble des salariés et des actionnaires. C’était cette idéologie qui sous-tendait notre démarche. Pour l’instant c’est vraiment positif. Ça pose la question du collectif, du comment prendre des décisions. Pour l’instant, c’est assez fluide. Et puis ce qui est important, c’est que chacun prend ses décisions en fonction de son poste. Toutes les décisions ne sont pas collectives. Il y a une sorte d’autonomisation de chacun et chacune dans son métier. Dans le paysage audiovisuel, c’est une manière d’entreprendre qui est assez originale.

Quels sont les principaux films que vous avez produits ?

On produit essentiellement pour la télévision. Même si le cinéma est un objectif à court et moyen terme. A la base on a produit beaucoup de films d’histoire. On a beaucoup traité de l’histoire du travail. On produit aussi des films de société. Je peux vous parler des films qui vont sortir. On est en train de produire un film sur un jeune apprenti de 17 ans. Le film s’appelle Maël et la révolution de Céline Thiou. C’est un film de 80 minutes qui suit pendant plus qu’un an, deux ans même, un jeune apprenti de 17 ans qui s’investit dans le maraichage et l’agriculture biologique. C’est la porte d’entrée vers un âge où on se révèle aussi dans une conscience politique et, dans le milieu agricole dans lequel évolue notre personnage qui porte des convictions qui sont parfois à l’opposé de lui, de ses envies, plutôt très à gauche. Ce film là c’est comment un jeune de 17 ans s’implique dans un paysage qui est assez différent de ses idéaux et comment il négocie avec cet espace-là.  C’est une sorte de grande fresque qui le mène jusqu’à la première fois où il vote aux élections présidentielles. Le film sortira début 2023. On vient de sortir une série pour France 5, qui s’appelle Devenir marin pécheur, de Claire Perdrix, qui suit pendant un an le quotidien de quatre apprentis marins pécheurs. C’est une série de 4 heures 26 minutes. Ce sont des jeunes confrontés à un métier extrêmement rude qui sont en pleine transformation et en même temps ils portent en eux cette jeunesse et cette contradiction entre des envies fortes, de s’affirmer, de se construire soi-même, dans un métier qui est extrêmement codifié avec des contraintes extrêmement fortes. On est en train aussi de lancer un autre film qui revient sur les années sida, qui s ‘appelle Les Années sida, à la vie à la mort, de Lise Baron, qui retrace depuis le début de l’épidémie jusqu’à la trithérapie. C’était 15 années qui ont été un véritable choc, à la fois dans ceux qui ont subi l’épidémie, mais aussi ceux et celles qui ont découverts le virus, les médecins, les infirmiers, les infirmières qui devaient accompagner ces patients à une époque où on n’avait aucune connaissance sur la maladie. On n’avait aucun outil, aucun médicament à disposition. C’est un film un peu choral qui rassemble un peu tous les points de vue et qui n’est pas sans rappeler une épidémie beaucoup plus récente où à la fois patients et corps médical étaient démunis face à un virus qui a décimé pas mal de gens. Et en toile de fond, tout l’environnement des années 80 où toute une jeunesse arrivait pleine d’idéal et d’envie. La médecine pensait qu’on pouvait tout guérir. Il y avait une libération énorme des meurs extrêmement forte. Et cette épidémie a fauché toute une génération. Elle a mis une ombre noire sur la sexualité et dans la vie de beaucoup de ces jeunes. C’est un film qui va sortir aussi en 2023

Comment êtes-vous devenu producteur ?

Je suis plutôt un producteur autodidacte. J’ai créé ma première société de production en 2001. Avant l’étais plutôt technicien. Cette envie de devenir producteur est venue d’une double envie, à la fois de produire ce qui me tenait à cœur, de développer mes propres idées et puis aussi de centrer sur un territoire, ce qui a toujours été un marker assez fort. J’étais avant sur Paris, en revenant sur Nantes j’ai eu envie d’entrer dans une filière, durablement. J’ai toujours été installé à Nantes. Ce qui ne veut pas dire qu’on rayonnait uniquement localement puisqu’on créait des films un peu partout dans le monde. J’ai commencé ce métier assez jeune. Je ne vous cache pas que c’était très empirique au début. Je trouve que c’est un métier qui s’apprend sur le tas. On fait beaucoup d’erreurs au début. On en fait encore beaucoup j’imagine. Mais c’est une acquisition qui s’est faite par l’expérience, par les erreurs et les réussites. Faire une société en région, dans la mesure où on est dans un système très centralisé en région parisienne, il a fallu un peu de temps pour briser ce plafond de verre. Le collectif est au cœur de mon parcours. On en est venu à créer Les Nouveaux jours 20 ans après ma première société.

Quel est votre point de vue sur la situation du cinéma documentaire aujourd’hui ?

Tout dépend à travers quel prisme on le regarde. Il est évident qu’il y a aujourd’hui une appétence pour le documentaire qui n’a jamais été aussi forte. Après, le mot documentaire revêt des formes extrêmement différentes. D’un côté on voit bien que cette appétence a du mal à percer au cinéma. Beaucoup de films documentaires se font dans un cadre assez fragile. A la télévision, le documentaire souffre souvent d’un amalgame entre le documentaire de création avec un regard d’auteur et le magazine, voire le reportage. Les cases qui offrent une place au documentaire de création se réduisent de plus en plus. Autre élément, les plateformes aujourd’hui rentrent dans le jeu et vont modifier de façon assez forte, à la fois la façon de produire et sans doute aussi les sujets. Les façons de produire parce qu’il y a beaucoup d’argent qui arrive par les plateformes. Pour l’instant elles se contentent beaucoup de ce qu’on va appeler le fait divers, les grandes affaires, les crimes, des faits divers un peu sordides. Elles ne sont pas encore dans la diversité de production et de diffusion.de la télévision qu’on connait jusqu’à maintenant. C’est ce qui peut poser question. Et puis aujourd’hui ce qui nous inquiète dans la production c’est la suppression de la redevance, ce qui va fragiliser les diffuseurs publics. Aujourd’hui la pérennité du modèle qu’on connaissait jusqu’à maintenant avec une indépendance à la fois éditoriale et puis une sécurisation a minima des financements. On est forcément à l’écoute de ces changements et en lutte pour essayer de faire changer les choses.

Le site : https://lesnouveauxjours-prod.com/

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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