Je ne sais pas où vous serez demain. Emmanuel Roy, 2023 63 minutes.
L’impuissance d’une médecin. Son manque de moyens d’agir devant la froideur de l’administration française. Une administration qui ne traite pas de problèmes humains, mais seulement des dossiers. Et la raideur – pour ne pas dire plus – de la politique migratoire de la France. Une politique qui répond à des exigences qui n’ont plus rien à voir avec l’humanisme des médecins et leur souci de la santé et du bien-être de tous.

Nous sommes dans un CRA (Centre de rétention administrative). Nous assistons à des consultations d’une médecin qui reçoit ces immigrés – Tunisiens, Afghans, Africains…) qui sont là en attente. Des prisonniers en fait. Seront-ils libérés au terme des différents délais des démarches administratives ? Ou bien seront-ils purement et simplement expulsés du territoire français, sans que soit véritablement pris en compte la spécificité de leur situation.
Le film d’Emmanuel Roy n’aborde pas directement les situations des immigrés qui viennent consulter la médecin du CRA de Marseille. Mais, même s’il n’approfondit pas chaque cas, nous pouvons quand même appréhender le tragique de leur situation, son côté insoutenable, désespéré, au point d’entreprendre une grève de la faim.

Devant tant de souffrance, que peut la médecine ? Donner des cachets contre la douleur ou pour dormir. Pour soulager un peu les corps. Mais les âmes ? Écouter bien sûr. Écouter et essayer de comprendre. Reem, la médecin qui consulte, répète presque à chaque entretien qu’elle comprend la situation de celui qui est en face d’elle, qu’elle partage son indignation devant le sort qui lui est fait. Elle est ouvertement du côtés des immigrés retenus dans le CRA. Mais que peut-elle faire ? Elle souffre visiblement de son impuissance. Mais peut-elle éviter la résignation ?
Ce film, court, utilise un dispositif unique, simple mais efficace. Un seul cadre. Reem en gros plan, de face, le dos du consultant en amorce. Il faut bien respecter l’anonymat. Mais ce cadrage est parfaitement cohérent avec le projet du cinéaste. Le titre emploie le je de la première personne, ce n’est pas un hasard. Cette dimension personnelle (on n’est pas en face d’une médecine déshumanisée) vise à questionner chacun d’entre nous Le problème de l’immigration, c’est-à-dire le problème des immigrés, ne peut pas être abordé d’un point de vue uniquement administratif Le film nous rappelle avec force que les immigrés sont avant tout des êtres humains
Cinéma du réel, Paris, 2023.