Voyage en Inde

Self-fiction. Fabienne le Houérou, 2023, 67 minutes.

Ce film est le récit d’un voyage, un voyage en Inde, un pays que la cinéaste connait bien. Elle y a tourné en 2019 Princes et vagabonds, sur trois musiciens du Rajasthan dans le désert du Thar. Elle y revient aujourd’hui pour un voyage qui pourrait paraitre touristique, mais qui concerne d’abord le cinéma, la volonté de filmer ce pays qu’elle aime et dont il lui faut mettre au clair le sens profond qu’elle entretient depuis longtemps avec lui. Un voyage personnel. Un récit en première personne donc.

Nous retrouvons donc le Rajasthan, ce qui nous vaut de magnifiques images de désert. Mais L’attention de la cinéaste est plutôt attirée par les visages, ceux des femmes surtout, et des enfants. Des regards perçants, des yeux lumineux, des visages qui évoquent, chacun, tout un monde.

Et puis il y a la musique, omniprésente, avec ce retour régulier du filmage des trois musiciens dont les chants nous accompagnent encore longtemps après la fin du film.

Le premier contact de la cinéaste avec l’Inde lors de ce voyage a été plutôt chaleureux. Pas étonnant, c’est dans un festival de cinéma qu’elle est accueillie. Hélas, les choses vont très vite prendre une autre tournure. Responsable : le problème de la pauvreté, qui vient perturber les rapports de l’occidentale avec les Hindous qu’elle rencontre.

Arrivée en Inde en avion, depuis un pays riche, Fabienne le Houérou ne peut être considérée que comme une personne riche, qui possède en tous cas plus d’argent que tous ceux qu’elle rencontre. Pas étonnant alors que ceux-ci lui demandent sans arrêt de les aider financièrement. Cette demande d’argent devient une sorte de leitmotiv qui ne peut qu’agacer la cinéaste et gâcher son voyage. Son rapport avec les autochtones, et en particulièrement avec les hommes, seraient-ils donc toujours intéressés ? Elle en vient à soupçonner un piège dans toute invitation. Visiblement elle souffre de cette perte de sincérité. Et le film n’en finit pas de ressasser ce problème.

Self-fiction dit le titre du film, utilisant un anglicisme là où le français courant – et la critique littéraire – parlerait d’autofiction. Mais qu’y a-t-il de fictionnel dans ce récit de voyage ? Les rapports entre la cinéaste et un des musiciens qu’elle filme seraient-ils de l’ordre du fantasme ? Nous préférons voir le film sous l’angle du documentaire, celui d’un point de vue personnel d’une autrice sur la rencontre avec la pauvreté d’un pays qui semble ne pouvoir être résolue.

L’Inde a souvent attiré l’attention des cinéastes documentaristes, de Louis Malle à Johan Van Der Keuken. Le regard que porte ici Fabienne le Houérou sur ce pays est original parce qu’entièrement personnalisé. Il n’en reste pas moins que le problème du contact de la richesse – même relative – avec la pauvreté a une dimension universelle.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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