Sept hivers à Téhéran. Steffi Niederzoll, France-Allemagne, 2023, 97 minutes.
On connait la situation des femmes en Iran, cette dépendance absolue vis-à-vis des hommes, du pouvoir des hommes. Une situation de qu’elles ont de plus en plus de mal à supporter, comme le montre les manifestations- la révolte – de ces derniers mois.
Le film Steffi Niederzoll illustre parfaitement cette situation. Il présente un cas particulier. Mais un cas qui est un véritable cas d’école.
Une jeune Iranienne de 19 ans, Reyhaneh Jabbari, poignarde à mort son agresseur qui tente de la violer. Elle sera accusée de meurtre et sera exécutée.
Le film suit la chronologie précise de toute l’affaire, sans rien laisser de côté. Mais nous ne sommes pas dans un film policier. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une enquête. Ce qui compte pour la cinéaste c’est la signification sociale et politique des événements et la façon dont Reyhaned et ses proches – sa famille surtout – les vivent et les ressentent.
Si le film ne s’inscrit pas dans le genre enquête policière, c’est qu’il n’y a pas de suspens, qu’il ne peut pas y avoir de doute sur l’issue. Si la jeune fille était violée, elle serait reconnue coupable et condamnée. Si elle se défend pour ne pas être violée, cette résistance sera aussi l’objet d’une accusation et d’une condamnation.

Dans le déroulement du film, il est possible d’identifier clairement les différentes étapes qui s’enchaînent inexorablement jusqu’au dénouement.
1 le récit, par Reyhaned elle-même des faits. Le piège qui lui est tendue, la tentative de viol, sa révolte contre l’agression de l’homme. Un récit précis, objectif, centré sur les faits et évitant donc le plus possible l’irruption des affects. Un récit de vérité donc, dont toute la suite du film ne remettra pas en cause la véracité.
2 L’arrestation et l’emprisonnement de Reyhaned. Les conditions inhumaines de sa détention, les tortures qu’elle subit.
3 L’enquête policière et les manipulations des faits par les autorités. Il s’agit de transformer l’acte de Reyhaned en meurtre prémédité.
4 le procès. Là aussi la pâte du pouvoir est visible. Le premier juge considéré comme favorable à l’accusé (il essaie d’être impartial) est remplacé par un proche du pouvoir. C’est que la victime faisait partie des services secrets iraniens. Il importe alors pour le pouvoir de le disculper de l’accusation de violeur.
5 la condamnation. En vertu de la loi islamique qui applique la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent) Reyhaned. est condamnée à mort. La sentence sera exécutée par la famille de la victime, à moins qu’elle accorde son pardon à l’accusée.

6 S’ouvrent alors de longues années d’attente et d’incertitude (les hivers du titre), où la famille de Reyhaned, sa mère surtout, va tenter de négocier avec la famille de la victime, son fils tout particulièrement, en tant que chef de famille. Celui-ci fait savoir qu’il accordera son pardon à condition que Reyhaned avoue qu’elle fait partie d’un groupe de prostituées et que dans les faits elle s’est trompé sur l’interprétation des actes de son agresseur, en reconnaissant qu’elle n’a pas été agressée. Pour Reyhaned, un tel aveu est impensable. Dans ses années de détention elle s’est liée d’amitié avec les femmes emprisonnées comme elle, des prostituées ou des droguées mises au banc de la société. Des femmes dont il s’agit aussi de défendre les droits.
7 L’exécution. Qu’on ne voit pas bien sûr, mais la séquence où l’annonce en est faite à sa mère est tout autant intenable. Pourtant le film ne se termine pas sur le drame. Un mouvement de solidarité avec Reyhaned se développe dans le monde entier, dénonçant le sort fait aux femmes en Iran. La mort de Reyhaned n’aura pas été inutile.
Du coup, le film de Steffi Niederzoll est un véritable acte d’accusation de la société patriarcale iranienne et de ses hommes qui se cachent derrière la religion pour maintenir leur domination. Rarement un film aura été aussi utile.