Viol, défi de justice. Marie Bonhommet, 2023, 70 minutes.
Comment la justice peut-elle juger les viols. Devant le bond en avant des dépôts de plaintes depuis #metoo, a-t-elle les moyens, se donne-t-elle les moyens de faire face, avec sérénité, sans précipitation mais non plus sans laisser traîner les affaires, ou les glacer rapidement sans suite.
La première réponse formulée à la demande sociale de ne plus fermer les yeux : il a été créé une juridiction spéciale ou ne siège plus un jury populaire mais cinq magistrats professionnels. Est-ce que cela va changer le traitement des plaintes pour viol auxquelles la justice doit répondre ?
Le grand mérite du film de Marie Bonhommet est de nous montrer un procès de bout en bout, avec les interrogatoires de la victime et de l’accusé, les auditions des témoins, le réquisitoire du procureur et les plaidoiries des avocats. En principe le spectateur du film a entre les mêmes tous les éléments de l’affaire et peut se faire sa propre opinion avant la proclamation du verdict, et cela comme les magistrats de la cour, peut-être même avec plus d’informations que la cour elle-même. Car la cinéaste ajoute aux audiences des entretiens avec la présidente et les deux avocates, celle de la victime et celle de l’accusé.
En suivant le travail de la présidente, on pense inévitablement à la présidente du film de Depardon 10e chambre, instants d’audience (2004). On ne peut qu’être admiratif devant son calme et sa sérénité, mais aussi la précision de ses questions et son impartialité vis-à-vis des deux protagonistes.
L’’homme et la femme qui s’opposent dans cette affaire sont montrés de façon contrastée, d’abord parce que l’accusé, pour des raisons bien compréhensibles, est toujours montré de dos et jamais en dehors de sa présence à la barre. Par contre nous suivons la jeune plaignante tout au long des débats et la caméra est pratiquement à l’affût de ses réactions et de l’expression de ses sentiments. Voir son visage en quasi gros plan a bien sûr pour effet de nous la rendre proche et familière ce qui n’est pas le cas de l’accusé ni de ses parents. Du coup il apparaît de plus en plus clairement tout au long du film que le cœur de la cinéaste penche du côté de la victime. Le film devient alors une mise en accusation du patriarcat de notre société ce qui est d’ailleurs le contenu même de la plaidoirie de l’avocate de la partie civile, plaidoirie que ne renierait pas la plus fervente des militantes féministes. En comparaison, la plaidoirie de l’avocate de la défense semble bien plate et convenue. Elle n’aura pas fait pencher la balance du côté de son client.
Depuis le procès qui, à Aix-en-Provence, avait été le premier à s’élever avec force contre le fléau qu’est le viol, procès rendu célèbre par la présence et l’action de Gisèle Halimi – procès dont on a les traces dans le film de Cédric Condom Le Procès du viol (2013), un film fondamental même s’il n’entre pas dans la salle d’audience – depuis donc ce premier film la nécessité de rendre justice aux femmes victimes de viol, et d’une façon générale victime de violence et pas seulement sexuelles, est de plus en plus revendiquée bien au-delà des activistes féministes. Le film, dans sa rigueur et son honnêteté, fera clairement avancer cette cause qui reste plus que jamais un enjeu sociétal fondamental.
FIPADOC 2024 Biarritz
