Madame Hofmann. Sébastien Lifshitz, 2023, 104 minutes.
Sylvie Hofmann est cadre de santé à l’hôpital Nord de Marseille. D’abord infirmière, elle travaille depuis 40 ans dans ce même établissement. Il est temps pour elle de prendre sa retraite. Une retraite bien méritée après tant d’années au service des autres. Mais elle est de plus en plus fatiguée, surtout après la période particulièrement agitée du COVID.
Quelques plans sur les rues vides, absolument vides, à Paris ou ailleurs, suffisent pour nous rappeler ce temps du confinement que personne n’est prêt d’oublier. A l’hôpital surtout tant le travail y fut intense.
le film de Sébastien Lifshitz ne joue pas la dramatisation à l’extrême, ni pendant la pandémie, ni lors du retour à la normale. Une normalité qui n’est en fait qu’une pure illusion. A Marseille comme ailleurs l’hôpital public est en crise. Personne ne peut nier le manque de moyens, les besoins en personnels et le nombre de lits qui ne fait que diminuer. Une situation dans laquelle la cadre de santé est en première ligne.
Madame Hofmann nous plonge dans le quotidien de cette travailleuse entièrement dévouée à sa tâche. Un poste qui est sans doute le moins connu des professions de santé, entre les aides-soignantes, les infirmières et les médecins. Il s’agit surtout de manager une équipe, ici presque exclusivement féminine à l’exception du chef de service à qui Sylvie donne du « chef « à chaque phrase. Une équipe qu’il faut organiser, épauler, dynamiser et lorsqu’il y a une difficulté ou un coup dur, le décès d’un patient, une famille qui menace de faire un procès, il faut être là, toujours disponible, et savoir prendre la bonne décision.
Le filmage du film se fait en direct, entrecoupé de brefs moments d’entretien avec Sylvie qui n’hésite pas à évoquer dans le détail son travail mais aussi sa vie. Car la particularité du film de Sébastien Lifshitz est ce va-et-vient entre le professionnel et le personnel. Si c’est à l’hôpital que Sylvie est le plus souvent filmée, au milieu de son équipe, nous la retrouvons aussi fréquemment dans dans l’intimité de son domicile, ou lors de rencontres avec les membres de sa famille, sa fille, son conjoint et surtout sa mère. C’est avec sa mère qu’elle entretient le plus de relations, trouvant auprès d’elle un temps de décompression nécessaire mais devant aussi lui apporter du réconfort, alors qu’à 85 ans on lui a découvert un deuxième cancer du sein. Jusque dans son intimité familiale Sylvie semble poursuivie par la maladie, comme dans l’hôpital – et donc dans le film – la mort est omniprésente.
Toute la fin du film sera consacrée au départ à la retraite de Sylvie. Un départ marqué par une fête plutôt délirante où toute l’équipe retourne en enfance en s’aspergeant à qui mieux mieux d’eau et de bien d’autres liquides colorés qui doivent être disponibles pour les soins infirmiers. Une séquence qui tranche par rapport au sérieux habituel du service. Mais le départ de Sylvie ne pouvait pas être marqué par de simples embrassades, même nombreuses chaleureuses.
Sylvie Hofmann restera un des personnages féminins inoubliables, une véritable icône du cinéma documentaire, aux côtés par exemple de Chantal Birman la sage-femme de A la vie d’Aude Pépin ou bien de Mimi, filmés par claire Simon, d’Honorine dans Maman colonelle de Dieudo Hamadi, de Anne Gruwez dans Ni juge ni soumise De Jean Lebon et Yves Hinant, de Malika dans 143 rue du désert de Hassen Ferhani, comme ces jeunes filles assassinées par les nazis pendant la guerre, Hélène Berr de Jérôme Prieur ou Odette Fanny Berstein dans Assassinat d’une modiste de Catherine Berstein, et tant d’autres, célèbres ou anonymes, dont des cinéastes, femmes ou hommes, ont su réaliser les portraits, des portraits souvent extraordinaires dans leur simplicité.

