D comme Detroit

L’Amérique fait-elle encore rêver ? Peut-elle encore faire rêver ? A regarder l’histoire des grandes villes industrielles, de la grandeur industrielle de l’Amérique, de l’automobile à la sidérurgie, de Detroit à Braddock, on peut en douter. Et le cinéma documentaire de s’attacher à filmer la crise, ou plutôt, les effets de la crise sur les villes, sur ses habitants, c’est-à dire ceux qui sont restés parce qu’ils n’ont pas pu partir, comme d’autres, comme ceux qui avaient les moyens de le faire. Et en tout premier lieu, Detroit, ancienne capitale de l’automobile, le symbole de la puissance américaine, le fief d’Henri Ford et l’éclatante victoire du taylorisme. Pour un temps seulement !

Deux films consacrés à Detroit, parmi d’autres, se penchent sur l’avenir pas particulièrement rose, des villes industrielles américaines. City of Dreams. Detroit, une histoire américaine (2013) de Steve Faigenbaum et Detroit ville sauvage (2010) de Florent Tillon. Deux films qui nous montrent une ville quasiment anéantie. La caméra s’attarde sur les façades des immeubles aux vitres cassées et sur les herbes folles qui envahissent les jardins. Les plongées presque verticales réalisées depuis le sommet des buildings nous perdent dans le vide. Les longs travellings sur la succession des maisons abandonnées ne sont pas vraiment une promenade touristique. Florent Tillon filme même un groupe d’hommes, organisé et encadré, qui entreprend d’en détruire systématiquement certaines, pour se distraire, ou pour trouver un exutoire à leur douleur ou à leur colère.

La ville a pourtant beaucoup lutté pour se développer et éviter les affrontements communautaires, en vain. Les services sociaux de la mairie étaient particulièrement actifs. Les vieux quartiers insalubres ont été détruits et remplacés par des immeubles flambants neufs. Des autoroutes relient le centre et les banlieues. Mais est-ce suffisant ? En Pennsylvanie, Braddock,  filmée par Jean-Loïc Portron et Gabriella Kessler (Braddock. America, 2012) qui était autrefois fleurissante grâce aux hauts-fournaux et à l’acier, est maintenant quasi désertique. Une ville désertée par ses habitants, ceux du moins qui ont réussi à trouver du travail ailleurs. Les autres, ceux qui sont restés, se terrent chez eux. De toute façon, il n’y a plus de petits commerces pour faire ses courses, et pratiquement plus de café où retrouver ses camarades de travail. De toute façon, les anciens ouvriers au chômage n’ont plus suffisamment de revenus pour entreprendre quoi que ce soit.

 

Détroit, ce n’est pas toute l’Amérique. Pourtant son histoire reste significative de l’histoire de tout le pays. Les difficultés économiques ont bien sûr des répercussions sur toute la population. Les immigrés ont pu croire longtemps à la possibilité de réaliser le rêve américain. Pendant une grande partie du siècle, il suffisait de travailler dur. Le cinéma aujourd’hui ne peut qu’insister sur les problèmes raciaux, les émeutes, la violence, la peur qui s’est installée et qui subsiste.

 

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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