La Chasse au Snark, François-Xavier Drouet, France, 2013, 100 minutes.
Le Snark est un établissement privé qui accueille des adolescents en rupture avec le système scolaire traditionnel. Présentant des troubles du comportement graves, ils sont totalement inadaptés à l’école. En Belgique, il existe une autre voie pour ces adolescents, des établissements où ils vont pouvoir poursuivre leur formation dans un contexte différent, plus ouvert bien sûr, moins contraignant, ce qui ne veut pas dire que tout leur soit permis. Ce qui ne veut pas dire non plus que la réussite soit assurée, comme s’il suffisait de quitter l’école traditionnelle pour que les problèmes disparaissent. Même au Snark, les adolescents qui sont en pensionnat restent des adolescents souvent submergés par leurs difficultés. À l’école ils étaient en rupture avec le système, avec l’autorité. Au Snark, ils restent en rupture avec la société.
Malgré leurs provocations incessantes, malgré leur agressivité envers les adultes et leurs camarades, malgré leur transgression systématique des règles de vie en commun, il n’en reste pas moins que ce sont des adolescents attachants, touchants dans leur souffrance. Cela bien sûr tient à la façon dont ils sont filmés. La cinéaste a passé une année au Snark. Le film porte d’ailleurs clairement l’inscription du passage du temps, de l’enchaînement des saisons depuis la bataille de boules de neige jusqu’aux flâneries les soirées de printemps.
Parmi la trentaine de pensionnaires du Snark, le film suit plus particulièrement certains d’entre eux, comme Angèle, une adolescente qui a beaucoup d’atouts pour elle mais qui dépense souvent plus d’énergie à les gâcher plutôt qu’à les faire fructifier. Angèle se comporte souvent comme un garçon, n’affirmant pas vraiment sa féminité. Elle s’habille comme un garçon, elle se bagarre comme un garçon, elle parle comme un garçon. De toute façon, au Snark, le langage est toujours direct et cru. On a souvent l’impression que les adolescents ne peuvent pas se parler sans proférer des insultes. C’est bien ce que dit Angèle : « sans insulte, il n’y a pas de communication. » Son cas divise les éducateurs du Snark. Est-il utile de lui donner une seconde chance ? L’assemblée générale de fin d’année votera à mains levées dans ce sens. Même s’il a semblé à beaucoup qu’il y avait très peu de possibilités de réussite si, pour beaucoup, les chances de réussite étaient minces, le sentiment qu’il n’était pas possible de ne pas lui offrir une dernière chance a fini par l’emporter. Telle est bien la philosophie du Snark : tant qu’il reste un espoir de faire vaciller la chape de fatalité qui pèse sur ces adolescents, on n’a pas le droit de renoncer.
Le film rend compte du travail si particulier des éducateurs du Snark, soit dans les « cours », soit dans les entretiens qu’ils mènent individuellement avec un pensionnaire s’étant mis en infraction avec les règles de l’institution. Dans de telles situations, la communication n’est jamais facile. Mis face à leurs responsabilités, les adolescents le plus souvent se ferment, se replient sur eux-mêmes, réfractaires à la moindre intervention de l’adulte.
Il y a pourtant des actes inadmissibles, comme celui-là qui a frappé un éducateur avec une béquille. Son exclusion n’est pas prononcée de gaité de cœur. Même dans les cas extrêmes, la volonté de dialogue ne doit jamais passer au second plan.
La Chasse au Snark, le poème de Levis Carroll, est devenu le modèle de l’absurdité et du non-sens britannique. Les pensionnaires du Snark en Belgique ne sont pourtant aucunement des êtres « fantastiques », hors du monde. Le film a le grand mérite de montrer leur profonde humanité.