Le Rêve de São Paulo, Jean-Pierre Duret et Andrea Santana, Brésil-France, 2004, 100 minutes
Ils ont quitté le Nordeste, leur vie de paysan marqué par la faim et la pauvreté. Une vie sans plus aucun espoir. Ils ont quitté un à un leurs parents, leurs jeunes frères qui suivront le même chemin lorsqu’ils auront 18 ans. Ils sont partis pour São Paulo. Souvent sans savoir ce qu’ils vont devenir, s’ils pourront trouver du travail. Les plus jeunes ont parfois la chance d’être accueilli à l’arrivée du bus par un ainé parti quelque temps auparavant. De toute façon, ils n’ont pas le choix. Le rêve de la grande ville, c’est d’abord celui de pouvoir vivre. Il n’est pas sûr que cette vie soit vraiment meilleure. En tout état de cause, elle ne peut pas être pire. Alors il est permis de rêver.
Le film de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana suit cette migration. José a 18 ans. Dernier garçon d’une famille nombreuse, comme toutes celles du Nordeste, il va partir comme ses aînés pour aller tenter de vivre à São Paulo. Nous assistons aux préparatifs du départ, les dernières recommandations des parents. Le père et la mère ont passé toute leur vie dans la pauvreté, ne sachant pas toujours comment ils pouvaient arriver à nourrir leurs enfants. Situation immuable depuis des générations, décrite avec force dans le précédent film des auteurs, Romances de terre et d’eau (2001). Ici, quelques séquences suffisent ; l’abattage des arbres et la destruction par le feu des broussailles pour pouvoir ensuite semer quelques graines de haricot ou de maïs qui pousseront si la pluie arrive. Dans le film, il pleut plus à São Paulo que dans le Nordeste.
Le voyage en bus vers São Paulo, 3 000 kilomètres, est filmé en longs travellings depuis la place de José qui regarde défiler le paysage toujours aussi aride et désolé. Quelques arrêts permettent de rencontrer des travailleurs, comme ces deux tailleurs de pierre qui arrive juste à gagner de quoi payer leur nourriture. Et puis c’est la grande ville, São Paulo, que les cinéastes filment de plusieurs façons. Du haut d’une terrasse souvent, en plongée verticale sur la circulation des rues en bas et dominant les immeubles érigés tout autour. Les quartiers pauvres ensuite, les habitations bâties sur les collines, sans ordre apparent. Mais aussi en suivant José sur les avenues, au milieu du flot de véhicules. Ces vues sont souvent montées en parallèle avec les images du Nordeste, les images du passé.
Dans le Nordeste, il ne reste que les vieux. Eux n’ont plus de rêves. Les jeunes sont partis parce qu’ils avaient un but dans la vie. Le film recueille l’expression de ces espoirs, souvent inaccessibles. L’un veut devenir chauffeur, l’autre avocat. Ou bien ils rêvent d’acheter une voiture. Certains se réalisent, comme cette maison construite pendant des années et dans laquelle la douche est un vrai bonheur. Il y a aussi ceux qui rêvent de revenir sur leur terre, fuyant alors la monotonie et l’ennui du travail en usine. Mais ils ont tous construit une vie nouvelle, ils se sont mariés, ont des enfants, ont à leur tour fondé une famille. Et si le travail peut être épuisant, comme pour ces éboueurs qui tirent de lourdes charrettes chargées de sac de déchets qu’il faut ensuite trier pour récupérer ce qui est recyclable, c’est mieux que le vide de leur vie précédente.
Le film débute par une séance de photographie dans la rue du village du Nordeste. Il faut bien laisser une image de soi à ceux que l’on va quitter. Les parents n’ont d’ailleurs que les photos envoyés par les enfants pour garder leur souvenir. Tout au long du film, apparaissent d’autres photos, en noir et blanc, prises aussi bien à São Paulo que dans le Nordeste. Une magnifique façon d’inscrire dans le film le lien qui relie ces deux lieux si différents, de relier le passé et l’avenir, la pauvreté et le travail qui permet enfin de pouvoir de se nourrir.
Le rêve de São Paulo n’est pas un rêve politique. Ici, comme dans le Nordeste, personne ne se révolte. Une séquence télévisée montre quand même un extraits d’un discours de Lula, nouvellement élu président, annonçant sa lutte contre la pauvreté. Ceux qui l’écoutent ne disent rien.
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