La solitude du chanteur de fond. Chris Marker, 1974, 60 minutes.
Ce film n’est pas la captation d’un tour de champ ou d’un spectacle du chanteur, même s’il nous offre quelques extraits du « one man show » que Montand a donné à Paris en 1974 en soutien aux Chiliens victimes de la répression féroce à la suite du coup d’État militaire de Pinochet en 1973. Un engagement du chanteur. Et bien sûr un engagement aussi du cinéaste.
Ce film n’est pas non plus un biopic (le concept existait-il à la date de réalisation du film), même si par moment, Montand parle de lui, de sa carrière – assez peu en fait – et surtout de ses engagements politiques.

Ce film serait-il donc simplement un portrait. Portrait ? Evidemment, mais pas si simple. S’il est centré sur la personne de Montand, c’est surtout son travail qu’il nous montre, la précision et les contraintes des répétitions et de la mise en place du spectacle. Un portrait comme en fin de compte il est rare d’en voir, tant le montage réussit à nous faire pénétrer, non seulement dans la personnalité d’un chanteur, mais surtout dans la beauté des chansons, comme dans les plans où Montand est filmé de profil, seule tâche de lumière dans le noir, lorsqu’il interprète Le Chant des partisans ou Le Temps des cerises. De tels cadrages réussissent à nous faire partager le plaisir que peuvent ressentir les spectateurs présents dans la salle.

Un film donc qui a tout pour devenir un classique – pour ne pas dire un modèle, ce qui serait peut-être en porte à faux avec la légendaire modestie du cinéaste – du film musical. Un film où la musique n’est pas simple divertissement (même si la dimension poétique des chansons est ici évidente), mais raisonne en parfait accord avec des prises de positions politiques. La chanson – et le cinéma bien sûr – comme dénonciation de la dictature et soutien à ceux qui en sont victimes. Une posture qui reste – hélas – d’actualité.