Dialogue. Selim Yildiz, Kurdistan, 2019, 93 minutes.
Une mère, nommée Besna, et ses deux fils.
L’ainé, Enes, « le fils perdu », a quitté sa famille pour aller combattre contre Daesh, en Irak ou en Syrie, au début du film on ne sait pas trop.
Le cadet, Selim, est cinéaste. C’est lui qui réalise le film Dialogue. Lui, il est resté au village, avec sa mère et son père.
Besna est la figure centrale du film. Une héroïne particulièrement attachante, dont il s’agit d’appréhender La relation avec ses fils.

Il est alors bien compréhensible que ce soit Enes, le fils absent, qui occupe toutes ses pensées. Elle affirme sans cesse son amour pour lui, son grand amour. Il lui manque tant. D’autant plus qu’il est parti faire la guerre, dans tous les dangers donc. Au début du film, elle ne sait pas d’ailleurs s’il est vivant. Un manque insoutenable. Elle ne pense qu’à une chose : partir pour retrouver ce fils si lointain. Partir quelle que soit la difficulté du voyage. Et ses dangers. Et ce sera Salim qui devra l’accompagner, organiser le voyage et la conduire jusqu’à son autre fils.

Le film va sans surprise se décomposer en trois parties.
La première, c’est le temps d’avant. Avant le départ. L’attente du départ. Car il faudra partir à la recherche du fils, c’est une nécessité. Mais il faut attendre de pouvoir le faire. Une attente sous le signe du manque, et de la douleur qu’il engendre. Un temps qui s’écoule lentement. Qui s’étire, comme si de rien n’était. Le père poursuit ses occupations habituelles. Il faut bien aller chercher du bois si on veut faire du feu pour la cuisine. Le village, dans sa torpeur, semble ne pas se soucier de l’absence du fils.

Puis le départ. Le voyage. En auto ou en bus. Un voyage long, périlleux, incertain. Les arrêts aux frontières. Avec l’incertitude de pouvoir passer, de pouvoir continuer. Une recherche dont on sait très bien qu’elle peut ne pas aboutir. Ce serait un miracle même si elle aboutissait. Et par la fenêtre du véhicule qui poursuit sa route, des champs de ruine, des maisons réduites à des tas de gravats. La guerre est passée par là. La guerre toujours présente.

Enfin, les retrouvailles. Car le fils perdu est enfin retrouvé. De longues embrassades bien sûr. Des larmes de joie. Le fils combattant est là, bien vivant, là, en Syrie, au Rojava. Calme, plein de sang-froid, il parle de son engagement, de la lutte contre Daech, des combats, à Sinjar entre autres. Après sa rencontre avec sa mère et son frère, il repartira au combat.
Un film qui dit la guerre sans montrer la guerre. Un film qui parle de la guerre à travers le prisme de l’amour maternelle. Être mère de combattant, c’est endurer toutes les souffrances de la guerre. Besna est la mère-courage de notre époque.
Festival Jean Rouch 2020.

Cette caméra qui ne lâche pas le visage de cette femme, si tenace et si doux ! c’est superbe. Une approche sensible de cette région dont les noms nous deviennent presque familiers dans l’inventaire des villes martyres mais que nous connaissons si peu. Heureusement Sélim Yldiz sait nous rappeler qu’il y a des vies derrières ces noms : des hommes et des femmes qui forcent le barrage des frontières pour se retrouver, partager, manger ensemble, se serrer dans les bras le temps de quelques retrouvailles.
J’aimeJ’aime