M COMME MEURTRIERES – Iran

Des ombres sans soleil (Sunless shadows). Mehrdad Oskouei, Iran, 2019, 74 minutes.

Une alternance de rires et de pleurs…

Nous sommes dans un centre de réhabilitation pour jeunes filles qui ont commis un meurtre, en Iran. Elles ont tué soi leur père, soit leur mari, ou un autre membre de leur famille. Des meurtres familiaux toujours. Elles vivent là, souvent depuis des années, et pour bien d’autres années encore. Un centre qui n’est pas tout à fait une prison. Mais elles sont quand même privées de liberté.

Elles forment un groupe qui partage les mêmes activités et la même pièce, qui est à la fois un dortoir et une salle à manger, et aussi une salle de jeux. Elles ont aussi accès à une cour extérieure où elles entreprennent des jeux de plein air.

Côté rires, ce sont ceux qui résonnent lors de ces jeux collectifs, allant de la simple marelle aux devinettes par mime. Elles peuvent aussi se poursuivre avec un jet d’eau et s’arroser. On dirait vraiment des gamines et leurs rires sonores semblent dire leur joie de vivre. Illusion passagère…

Côté pleurs, ce sont ceux qui émaillent leurs confessions organisées seules devant une caméra. Elles s’adressent à leur victime, ou bien à un des membres de leur famille, leur mère par exemple. Un dispositif où leurs propos sont diffusés sur écran de télévision à destination de ces autres femmes, dont on ne sait trop si elles sont elles-mêmes en captivité ou libres dans leur foyer.

D’un côté donc le film propose une immersion dans ce lieu clos où sont filmées les occupations journalières, de la cuisine à la prise des repas et aux travaux de couture. Certaines prennent des cours d’anglais. Elles ont droit à des séances de relaxation. Et elles s’occupent toutes du bébé de l’une d’elle. Une vie collective qu’elles partagent avec un certain plaisir. Leurs conditions de vie n’ont rien à voir avec l’enfermement dans une cellule.

Pourtant le meurtre qu’elles ont commis n’est jamais oublié, ne peut pas être oublié. Dans leurs interventions face à la caméra elles évoquent les conditions de leur acte. Et surtout elles parlent de leur famille, des relations avec les hommes de la famille, le père en premier lieu, puis le mari qu’elles n’ont pas toujours choisi – une d’elle dit avoir été marié à 12 ans. Des relations souvent marquées par la violence, les coups, les blessures. Les hommes n’ont-ils pas tous les droits ?

Le film ne nous dit pas grand-chose sur la justice en Iran et son fonctionnement, même si par moment elles évoquent leur procès. La vie sociale est tout aussi peu évoquée et la religion n’apparaît que dans deux brefs moments de prière. Par contre il documente avec précision la vie familiale, et les rapports homme-femme. A l’opposé des féminicides occidentaux, nous avons affaire ici à des meurtres d’hommes, qui sonnent comme des révoltes des femmes et des filles.

Festival Jean Rouch 2020.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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