Pour le cinéaste néerlandais l’opposition classique entre cinéaste sédentaire et cinéaste voyageur n’est que de pure surface. Ne devons-nous pas plutôt le désigner comme sédentaire et voyageur ?
Johan van der Keuken est d’abord le cinéaste d’une ville, Amsterdam, son lieu premier. Une ville qu’il film sous toutes les coutures, les canaux bien sûr et les façades des immeubles que l’on découvre au long de leur parcours. Mais aussi les fêtes et le foot à la télé ou dans les parcs, les nuits de danses et de musique dans les boites, les vendeurs de hash dans les coffee-shop et le quartier des filles en vitrine. Une ville si cosmopolite et si riche en rencontre qu’un film de près de quatre heures ne prétend pas épuiser. (Amsterdam, Global village, 1996, 245 minutes.)
Les rencontres faites à Amsterdam vont pousser le cinéaste à partir aux quatre coins du monde. En Bolivie d’abord, avec ses montagnes enneigées vues d’avion, et le village où le retour de Roberto, l’enfant du lieu, est l’occasion d’une grande fête avec musique et danses. Puis en Tchétchénie, où il filme les traces de la guerre toujours visible. N’y a-t-il pas dans cette dispersion géographique, une façon d’abolir les frontières ?
Amsterdam est aussi le point de départ de voyage en Europe. Du nord au sud, en s’arrêtant à Paris, les Alpes, Rome et le sud de l’Italie pour aboutir au Caire. (Vers le sud, 1981, 143 minutes). La France est par ailleurs un lieu de vacances, en Provence, avec la famille. (les vacances du cinéaste, 1976, 39 minutes).
Dans le monde, l’Inde est un lieu privilégié, et en particulier le Kerala (l’œil au-dessus du puits, 1988, 90 minutes). Van der Keuken y filme la ville, avec la foule dans les rues, mais aussi la campagne, avec sa végétation luxuriante et son habitat dispersé. Une salle de cinéma permet un temps d’arrêt, quelques chansons dans le plus pur style bollywodien, et les yeux émerveillés des enfants.
Au fil des films nous découvrons d’autres pays, d’autres régions, d’autres villes. New York, Hong Kong et Genève, hauts lieux de la finance dans I love $ (1988, 90 minutes), Utrecht, le Boutan et le Burkina Faso dans Vacances prolongées (2000, 142 minutes).
Dans Cuivres débridés. A la rencontre du swing, (1992, 106 minutes) il montre la place de la musique dans des pays où les Européens n’ont pas l’habitude d’aller, Le Ghana et le Surinam, Le Népal et l’Indonésie. La musique sans frontière.
Les lieux de Johan van der Keuken ne sont pas des lieux touristiques. Ils n’existent que par les femmes et les hommes qui les habitent, qui y vivent et y travaillent. Comme Paris, filmé lors de la célébration du bicentenaire de la révolution française. Mais ce ne sont pas les festivités qui intéressent le cinéaste. Van der Keuken s’arrête plutôt Gare de Lyon, lieu de vie d’un SDF (le masque 1989, 52 minutes).
Si van der Keuken nous fait découvrir dans son cinéma des lieux lointains, il nous amène aussi tout près d’Amsterdam, un lieu typique de son pays : le Wadden, au nord-ouest des Pays-Bas, une terre conquise sur la mer, qui ne fait qu’un avec la mer, un lieu qui vit au rythme de ses flux et de ses reflux (La jungle plate, 1978, 86 minutes).