L COMME LIEUX – Les lieux de Louis Malle.

De l’Inde à l’Amérique – en passant par la France quand même – Louis Malle documentariste n’hésite pas à aborder des lieux qui sont visuellement à l’opposé les uns des autres.

L’Inde, c’est d’abord Calcutta, mégalopole surpeuplée, qui, au moment où Malle la filme, est surtout connue pour la misère qu’on y rencontre. Malle filme surtout les quartiers populaires, s’attardant sur la population pour en montrer la diversité. Il filme les pratiques religieuses, omniprésentes, le rituel du bain, la fabrication des statues de Kali qui seront montrées en procession toute une journée dans la ville avant d’être jetées dans la mer. (Calcutta, 1968, 105 minutes)

La religion, nous la retrouvons dans la série documentaire filmée dans l’ensemble du pays, de Madras à Bombay. Dans ses sept épisodes, le film nous fait entrer dans les problèmes fondamentaux que rencontre le pays – et qui ne sont sans doute pas tous résolus aujourd’hui. Mais surtout il nous fait rencontrer des femmes et des hommes, dans la simplicité de leur vie quotidienne. Des lieux où, au milieu de la pauvreté matérielle, apparait dans chaque regard une richesse intérieure. (L’inde fantôme, 1968-69, 7×52 minutes).

En Amérique, Malle réalise deux documentaires. Le premier est filmé à Glencoe, une petite bourgade de 5000 habitants dans le Minnesota qu’il décrit en quelques plans, une vue d’ensemble aérienne et un travelling le long de la rue centrale. Mais ici aussi, ce sont les habitants qui sont l’objet de l’intérêt du cinéaste. Une approche de la population de l’Amérique profonde, de mentalité très conservatrice, où la religion fait partie du décor, de la prière avant le repas, aux offices et cérémonies de mariage. (God’ country, 1985, 85 minutes).

Le deuxième film ne s’arrête pas dans un seul lieu, parcourant les Etats-Unis de la Californie à New-York en passant par le Texas, pour appréhender le traditionnel melting pot américain. La porte d’entrée des immigrés étant traditionnellement New-York, Malle se rend à la douane de son aéroport où vient d’arriver une famille de réfugiés cambodgiens ayant fui le génocide de Pol Pot. Ils ont des papiers, sont attendus par de la famille, ils peuvent entrer dans le pays sans problème.

A Houston, Malle filme une cité HLM datant des années 1930. Ses heurts entre les noirs et les asiatiques sont de plus en plus nombreux, et les deux communautés vivent sans aucun contact entre elles. En Californie, Malle aborde le problème de l’immigration clandestine de ces jeunes mexicains pourchassés par la police mais qui sont prêts à tout pour venir tenter leur chance aux Etats-Unis. Une séquence prémonitoire. (A la poursuite du bonheur, 1986, 77 minutes).

Retour en France, à Rennes précisément dans une usine de construction automobile. Une vision devenue classique du travail à la chaîne, répétitif, ennuyeux, pénible. Même l’arrivée des robots qui effectuent certaines tâches à la place des ouvriers ne semble pas changer fondamentalement la situation. Contrepoint du travail à l’usine, une séquence nous propose une visite du salon de l’automobile à Paris, avec sa foule, ses bousculades et son bruit assourdissant. Une autre aliénation sans doute, le rêve et les fantasmes devant des bolides hors de prix. (Humain trop humain, 1972, 75 minutes)

Paris enfin, Place de la République, un quartier populaire particulièrement animé. Une utilisation du micro-trottoir pour des rencontres avec des parisiennes et des parisiens, du moins s’ils veulent bien prendre la peine de s’arrêter un court instant pour répondre aux questions du cinéaste. Des moments de cinéma qui brise quelque peu l’anonymat classique de la grande ville. (Place de la république 1972, 95 minutes).

Après Malle, deux autres cinéastes ont fait de la place de la République un lieu caractéristique de Paris.  Xavier Gayan reprend le dispositif de Malle dans Place de la République 30 ans plus tard et Hafid Aboulahyane réalise en 2018 Place de la République 45 ans après. De quoi mesurer les effets du temps qui passe.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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