Makongo. Elvis Sabin Ngaïbino, Centrafrique, Argentine, Italie, 2019, 72 minutes.
Les pygmées n’ont pas toujours une vie bien rose. Non seulement leurs conditions de vie dans la forêt sont particulièrement difficiles, mais en plus ils sont systématiquement l’objet de discriminations. Dès qu’ils se rendent en ville, il leur faut supporter quolibets, moqueries et autres insultes. D’une manière générale, ils ne sont pas considérés tout à fait comme des hommes.

C’est le grand mérite du film d’Elvis Sabin Ngaïbino de nous plonger dans la vie d’une communauté pygmée dans la forêt en Centrafrique. Il nous faire découvrir leur culture, leur choix de vivre en respectant leurs traditions, mais aussi, surtout pour les plus jeunes, leur volonté de s’ouvrir au monde, essentiellement par l’éducation.

Nous suivons plus particulièrement deux jeunes garçons, qui finissent leur scolarité en collège pour l’un et au lycée pour l’autre. Ils rêvent de pouvoir poursuivre des études. Mais il leur faudra pour cela aller vivre à la capitale, ce qui en soi est une épreuve difficile à affronter.

En attendant, le plus grand donne des leçons aux enfants. Dès leur plus jeune âge, il entreprend de leur apprendre à lire et à écrire, en commençant par la reconnaissance des lettres et des chiffres. Les enfants répètent en chœur et avec application le nom des voyelles, en français. Mais rien ici n’est facile. La craie coûte cher et il faut l’économiser le plus possible.

La grande affaire de la communauté, c’est la récolte des chenilles (Makongo = chenilles). Il faut d’abord être attentif au moment où elles seront prêtes pour la cueillette. Celle-ci mobilise toute la communauté, car c’est le seul moyen pour elle d’avoir quelques revenus. Après l’expédition en forêt pour la récolte, il faudra les faire griller, et aller les vendre à Bangui, ce qui n’est pas une mince affaire. L’hébergement sur lequel les deux jeunes futurs étudiants pensaient pouvoir compter leur est refusé et ils doivent dormir dans la rue. Au marché, il y a bien des acquéreuses de leurs chenilles (plat national apprend-on), mais toutes s’évertuent à faire baisser les prix. Une confrontation difficile avec les lois du marché.

Le film comporte deux séquences particulièrement émouvantes. En premier lieu l’enterrement d’un enfant nouveau-né et le discours que lui adresse son père. Puis en clôture du film la désignation des enfants qui vont pouvoir aller à la « vraie » école. La vente des chenilles a permis de réunir quelques fonds pour cela, mais pas suffisamment pour payer la scolarité de tous les enfants. Le choix se fait par tirage au sort. Les heureux élus ne manifestent pas leur joie, en pensant visiblement à ceux qui n’ont pas leur chance. La caméra essaie de capter en gros plan les visages de ces derniers où apparaissent des larmes, discrètes mais bien réelles. Un appel à l’aide, silencieux, mais qui n’en est que plus fort.