Ahlan wa sahlan, Lucas Vernier, France, 2020, 95 minutes
Un voyage en Syrie, dans le désert syrien. Un voyage sur les traces d’un grand-père, à la recherche des lieux qu’il connut et qu’il aima. Un voyage à la recherche d’un passé. Un passé révolu. A jamais révolu.
Le grand-père du cinéaste était méhariste du temps du mandat français en Syrie. Il parcourait le désert à dos de dromadaire. Une présence qui n’avait rien de belliqueuse.

Tout ce qui reste de cette vie en Syrie, ce sont des photos. Des photos en noir et blanc. Des photos du désert, des sites archéologiques et des personnes, hommes et femmes, qui vivaient là, qui peuplaient ces lieux, ce désert.
Ce sont ces photos qui donnent à Lucas Vernier le dispositif de son film. De la première partie du film du moins, celle d’avant les « évènements ».

Retrouvant les lieux où ont été faites les photos, il les filme avec en arrière-plan ce lieu où elles avaient été réalisées. Une confrontation du passé et du présent. Une représentation de la fuite du temps. Ou plutôt de son immobilité. Car le lieu est toujours immédiatement reconnaissable. Comme si rien n’avait changé. Et la superposition du noir et blanc de la photo sur la couleur du film n’est rien d’autre, après tout, qu’une différence de système de représentation.
Mais il y a plus. Car les photos sont surtout l’occasion de faire des rencontres. Le cinéaste les montre aux Syriens qui habitent ces lieux, qui sont leur vie. Et ils se penchent sur ces traces du passé avec un grand intérêt, avec passion même. S’ensuivent des discussions interminables. Un peuple accueillant, dynamique, vivant. Et surtout, qui donne surtout l’impression d’être heureux de vivre.

Magnifique séquence que cette rencontre dans le désert, avec ces femmes bédouines qui invitent le cinéaste sous leur tente. Magnifiques sourires de ces femmes qui, avec leur tribu, nous donnent l’image d’un nomadisme paisible, éternel.
Et pourtant. Cette paix des images, on ne le sait que trop, est des plus précaires. Mais pouvait-on penser, en les réalisant qu’elles laisseraient place à la guerre et à l’horreur de la guerre ?
Lucas Vernier n’est pas resté en Syrie lors du déclenchement de la révolution et la répression implacable qui suivit. Son travail de cinéaste n’est pas celui d’un photojournaliste.

Et pourtant, il est revenu en Syrie. Où rien n’est comme avant. Le film alors acquiert une deuxième dimension. A la confrontation entre le passé et le présent s’ajoute celle de la paix et de la guerre. Le temps qui passe devient celui de la destruction. Non pas par les effets du temps, mais par la folie des hommes.
Le cinéaste est-il alors toujours « bienvenue » en Syrie ?
