G COMME GITAÏ Amos par Roth Laurent

Amos Gitaï, la violence et l’histoire. Laurent Roth, France, 2020, 75 minutes.

Le dispositif utilisé par Laurent Roth dans le film qu’il consacre à Amos Gitaï est en apparence tout simple : les deux protagonistes sont installés devant un écran pour visionner ensemble, et commenter, des extraits de films. C’est minimaliste mais particulièrement efficace.

C’est Roth qui mène le jeu. Il a choisi les extraits. Il pose des questions, mais il ne s’agit pas d’une interview. Nous sommes plutôt du côté entretien, ou même plus exactement encore dans un dialogue. Roth a pour objectif de faire parler Gitaï et propose ses propres idées et commentaires. Il se positionne en cinéaste, puisqu’il réalise le film que nous voyons (sans faire référence ou appel à ses films précédents). Mais il est aussi critique et cela se ressent dans ses interventions.

Le dispositif est simple et le filmage aussi. En principe il n’y a que trois cadrages possibles. Le premier cadre Gitaï, en plan plus ou moins rapproché. Le second cadre Roth de la même façon. Enfin un plan nécessairement plus large cadre à la fois Roth et Gitaï. Il pourrait y avoir des plans de coupes, mais ce n’est pas le cas. Ou alors ce sont les extraits visionnés sur l’écran devant les deux personnages – et qui peuvent être présentés plein écran dans le film de Roth – qui en tiennent lieu. Mais en dehors des ces brefs extraits, nous ne sortons pas de l’espace de ce lieu qui fonctionne comme un studio. Et le film pousse la coquetterie d’habiller les deux cinéastes avec le même costume, sans cravate.

Puisqu’il y a trois cadrages de bases, nous ne serons pas en présence de champ contre-champ. Des variations d’échelle souvent peu perceptibles et quelques mouvements infimes de caméra suffisent à donner vie aux images. Et comme le fond est uniformément noir, rien ne distrait le spectateur des deux locuteurs et donc de l’écoute de leurs propos.

Roth n’aborde pas les multiples facettes de l’œuvre de Gitaï, il en reste au cinéma, et encore, pas tout son cinéma. Il se concentre sur deux directions, la trilogie dite de la Maison en premier lieu, et ensuite l’ensemble des films concernant l’assassinat d’Yitzakh Rabin.

Le film la Maison (1980) marque les débuts de la carrière cinématographique du réalisateur israélien. Le film date et Gitaï l’entreprend aussitôt après la fin de ses études d’architecture. Ce n’est pas vraiment un hasard s’il filme alors la construction, ou plutôt la rénovation d’une maison. Mais nous sommes en Palestine et la maison en question a une histoire. Elle a appartenu à un Palestinien et elle est maintenant aux mains d’un riche Israélien qui entreprend de la transformer de fond en comble. Elle devient par là la métaphore même de l’histoire de la Palestine.

Le thème de la maison sera repris plus tard par Gitaï qui réalise en 1998 Une maison à Jérusalem et Des nouvelles de la maison en 2005 Tout au long de la série, ce sont les rapports entre Palestiniens et Israéliens qui sont au cœur de la réflexion de Gitaï.

Quant à l’assassinat d’Yitzakh Rabin, Gitaï fut de toute évidence particulièrement marqué par cet événement au point de lui consacrer plusieurs films dont l’Arène du meurtre (1996) et Le dernier jour d’Yitzakh Rabin (fiction 2015). Avec Roth il s’arrête longuement sur les images du meurtre lui-même et celle de la reconstitution de l’acte du meurtrier. Le cinéaste définit sa posture comme celle du témoin. Un témoin toujours au plus près des événements.

Laurent Roth a réalisé un autre film avec Amos Gitaï, un court métrage de 16 minutes intitulé Haïfa la rouge, où Gitaï trace sur des cartes de Haïfa les trajets qu’il a pu parcourir depuis sa naissance et tout au long de sa vie.

A lire La Maison

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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