L’hypothèse démocratique. Une histoire basque. Thomas Lacoste, 2021, 140 minutes.
Le Pays basque, qu’en connaissons-nous ? Uniquement des lieux touristiques ? Et ces Basques – du nord ou du sud peu importe – que savons-nous de leur vie, de leurs aspirations, de leurs revendications ? Le Pays basque libre, quel sens cela peut-il avoir ?
L’ETA a souvent fait l’actualité. Au lendemain des attentats et des assassinats. Depuis quand cela dure-t-il ? Cette guerre, la plus longue d’Europe occidental, comme le dit le carton introductif du film.
Un film peut-il répondre à ces questions. Faire connaître les faits. Mais aussi faire réfléchir sur les opinions, les idées, les idéologies qui se sont opposées depuis tant d’années ?

C’est le défi que relève Thomas Lacoste. Avec la plus grande rigueur possible. La plus grande honnêteté. Pour éviter tous les pièges qu’un tel sujet peut contenir, du parti pris à une prétendue objectivité. Mais faire un film politique, n’est-ce pas prendre des risques ? Tous les risques !
Mais le réalisateur a dans sa manche deux atouts de taille. En premier lieu les entretiens qu’il a pu réaliser avec un nombre impressionnant d’acteurs directs de cette histoire. Des femmes et des hommes, presque tous basques, qui se sont engagé.e.s corps et âme, dans une cause, leur cause, une cause qui était toute leur vie. Des combattants qui acceptent de parler à visage découvert pour la première fois. Faillait-il qu’ils aient une confiance absolue en ce réalisateur pour accepter cela. Apparemment, ils n’ont pas à le regretter.
Le deuxième atout, c’est l’angle sous lequel cette histoire est abordée. Car il ne s’agit pas seulement de rappeler des faits et des dates. Il s’agit de développer une problématique : le cheminement vers la paix dans une démarche originale, puisque entreprise unilatéralement. Une démarche qui vise fondamentalement à définir un nouveau sens de la démocratie, rien de moins.

Le film s’ouvre sur un gros plan d’un fragment de la toile de Picasso, Guernica. Cette évocation du martyr d’une ville basque orchestré par Franco avec l’appui de l’Allemagne nazie. La défaite des républicains en 1939 est aussi la défaite des Basques. Sous la dictature de Franco les Basques sont de plus en plus réprimés, à commencer par leur langue, que les enfants même ont interdiction de parler à l’école. Les premières luttes de l’ETA seront des luttent contre la dictature.
Le film va proposer un montage extrêmement subtil de ces entretiens, entrecoupés par moment d’images d’archives, issues de la télévision et concernant principalement des attentats, celui entrainant la mort de Carrero Blanco, le « dauphin » de Franco, ou celui détruisant une partie de l’aéroport de Madrid par exemple. Mais ce sont sans doute les images de paix qui retiennent le plus l’attention du spectateur actuel. Celle principalement de l’annonce par les représentants de l’Eta de la fin de la lutte armée. Une image historique.

Les femmes que filme Thomas Lacoste sont particulièrement émouvantes, par leur engagement sans faille, malgré le côté machiste qu’elles reconnaissent à l’organisation, Mais surtout parce qu’elles ont su supporter la torture sans renoncer à leurs convictions. Et puis il y a cette séquence symbole de la possibilité de la réconciliation. Ces deux femmes, deux veuves, le mari de l’une a été tué par l’ETA, le mari de l’autre par le Gal, mais elles participent ensemble aux mêmes rencontres, aux mêmes échanges. Assise sur le même canapé, face à la caméra, le réalisateur annonce la fin de l’entretien, mais la caméra continue de tournée et enregistre la suite de leur discussion. Dans un murmure, comme en aparté, elles ne parlent plus pour le film mais pour elles-mêmes. Un moment unique de sincérité absolue.