Nicolas PEDUZZI – Entretien

A propos de Ghost Song.

Quelle a été la genèse du film ?

J’ai vécu aux Etats-Unis pas mal de temps, j’ai vécu un peu à Houston aussi. J’ai fait un premier film qui se passait là-bas sur une fille qui s’appelle Taylor et qui est une héritière du côté wasp de la ville disons. J’avais été introduit dans ce milieu par son biais et petit à petit, comme elle était musicienne aussi, elle m’a introduit à la scène. Il y avait une scène très underground à Houston, qui était née dans les années 90, en contrepartie du côté républicain, une scène très secrète en fait, où il y avait ce mouvement hip hop et punk et d’autres genres de musique, qui ont influencé énormément de musiciens aujourd’hui, et qui vit en autarcie dans le quartier que l’on filme dans le film. C’était porté par un rappeur. C’était une forme très libre, avec des musiciens très très indépendants, pas commerciaux du tout, qui a inventé ce rap, influencé par la prise de codéine. D’un côté il y avait ça et de l’autre il y avait des gens que j’ai rencontré et avec qui je suis devenu ami sur le premier film, qui était des musiciens de blues, un blues qui venait aussi des mêmes endroits. Il y avait plein de choses qui m’intéressaient.

Vous la filmez cette ville surtout la nuit, ou alors sur les autoroutes, les buildings, et l’annonce de l’ouragan. C’est une image assez inquiétante de cette ville. Dans le tournage, est-ce que vous avez rencontré des difficultés particulières dans le milieu que vous filmez, dans la ville, et avec l’annonce de l’ouragan.

C’était l’été. C’est la saison des ouragans. C’est une ville qui souffre régulièrement d’inondations. Il faisait une chaleur accablante. J’ai pas eu particulièrement de problèmes liés à ça. En fait les personnages du film, c’est là  le côté où l’on joue entre la fiction et le documentaire, avaient vécu cet ouragan-là deux ans auparavant. La ville était sous l’eau. C’était une Venise contemporaine. On se déplaçait en bateau. C’était très violent en termes de puissance d’ouragan. Les personnes sont régulièrement sous la menace d’ouragans, sur les portables il y a des alertes. On s’appelle. Faites le plein d’essence. Faites le plein de nourriture. Cela crée une atmosphère presque apocalyptique. Et je pense que cela influence les artistes, une musique très ralentie. En termes de tournage, on a eu des inondations, on s’est retrouvé bloqué sous un pont mais on n’a pas eu vraiment de problème…

Les images finales sur l’ouragan, c’est vous qui les avez tournées ?

Non, ce sont des images d’archives. On a beaucoup écrit le film au montage. Il y a beaucoup de choses qu’on a ajouté au montage. A certains moments du film on a ajouté des radios par exemple.

Il se dégage du film une vision particulière de l’Amérique, d’une certaine Amérique, l’underground, la violence, les gangs…Quelle position avez-vous par rapport à cette Amérique-là ? Le film a une intention critique ou pas du tout ?

 Ce n’est pas vraiment l’Amérique. C’est plutôt Houston comme ville. Une certaine Amérique du sud qui est encore très séparée. Je trouvais que c’était absurde de voir ces personnes que moi je trouvais talentueuses et qui dans cette ville étaient complètement rejetées. Les personnages que j’ai filmés sont des pièces rapportées, exclues complètement de leur ville. Par exemple Will vient d’une famille riche mais a été ensuite déclassé. Il a des problèmes de santé mentale. Il ne peut pas avoir accès à ses médicaments. Il se retrouve à devoir faire ses achats à des dealers dans la rue. C’est un système américain, un système qui l’effraie. C’est pareil pour les gangs, c’est un système que je trouve effrayant. Je suis en train de filmer un hôpital public à Paris et j’ai peur, je n’espère pas, mais j’ai peur qu’on se dirige vers un film de ce type. Ce n’est pas forcément un message mais, c’est quelque chose que j’ai ressenti. J’ai laissé parler les personnages, avec ce côté d’abandon, plus pauvre, plus en marge…

Sur la place de la musique, dans la bande son on n’entend pas que du rap…Comment avez-vous fait les choix ?

Les choix se sont imposés assez facilement. An rap avec le côté tragique, des récits, des histoires qui me font penser à de l’opéra, étrangement. J’ai grandi en écoutant de l’opéra et du coup je me dis il y a vraiment un lien sur le deuil. En musique ça parle tout le temps de deuil, dans la musique d’Alex la rappeuse et donc je trouvais que ce côté un peu théâtral, avec ces personnages qui jouent une version d’eux-mêmes, en alter-égo., ça m’amusait, c’était un plaisir de jouer avec ces différents genres musicaux au montage.

C’est très réussi. Cela créer une ambiance très intéressante. D’un côté les images sont plutôt angoissante ou peuvent être ressenties comme tel et parfois la musique contredit cette impression-là.

En plus, très franchement, avoir du hip hop pendant tout le film donne un rythme assez compliqué. Il faut varier un peu. J’ai travaillé avec un musicien qui connait bien la scène musicale de Houston. Il s’est inspiré du côté un peu psychédélique de la ville. Il a repris des thèmes des années 90. On a fait un mélange.

Votre film va sortir en France. Est-ce qu’il a été diffusé aux États-Unis ?

Il n’a pas encore été diffusé aux États-Unis, mais il a été acheté par une chaîne de télé américaine qui au départ était un journal punk et qui est devenu un beau réseau assez jeune. J’ai pas l’impression qu’on, arrivera à le sortir en salle, vu la situation des salles aux États-Unis pour ce genre de film. J’espère que ce sera une sortie de festival mais on n’a pas encore de réponse. Je pense que ce sera plutôt une sortie on line.

Quelle est la carrière du film dans les festivals, en dehors de États-Unis ?

Il voyage pas mal. On a commencé à l’Acid à Cannes. Ensuite il a tourné pas mal dans le monde, en Colombie, en Croatie. On a été à Lussas. On a fait Documentaire sur Grand Écran en Corse. Il y avait cinq personnes dans la salle, mais c’était sympa !

Est-ce que vous pouvez nous parler de vos projets. Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? Est-ce que vous allez retourner à Houston ?

Pour l’instant je suis en France. J(ai un projet sur un psychiatre à l’hôpital Beaujon. C’est pas un hôpital psychiatrique qui s’occupe des urgents et aussi bien des personnes qui ont des maladies génétiques et des maladies qui peuvent nécessiter l’intervention d’un psy. J’ai rencontré ce docteur un peu par hasard et j’ai été assez fasciné par sa façon de manier les situations. C’est un hôpital qui est énorme. Il est seul dans un endroit qui a de moins en moins de moyens. C’est quelqu’un qui est à contre-courant, qui essaie de récupérer les patients. J’ai flashé sur le personnage. Je l’ai filmé pendant plus d’un an et demi et je suis en train de monter le film.

Et vous poursuivez votre carrière de comédien en parallèle ?

Oh non, c’est trop compliqué. J’aimais bien le théâtre …

Vous êtes attiré par la fiction ?

Oui je suis bien sûr attiré par la fiction. Mais dans le documentaire je trouve qu’il y a une liberté qui me plait bien. Et de plus en plus je trouve agréable d’être une équipe au maximum de trois personnes. Peut-être comme Ghost song, mais un peu plus poussé en termes de fiction et de budget, un peu plus. Mais pas quelque chose de très important.

Propos recueillis par téléphone en avril 2022.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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