Crime et châtiment. Zhao Liang. Chine, 2007, 122 minutes.
La vie quotidienne de la police en Chine ? Pas dans les grandes métropoles en pleine expansion. Ce serait un tout autre film. Mais dans une région rurale, montagneuse, un poste frontière avec la Corée. Une région défavorisée, très pauvre, où il semble que la neige ne font jamais. C’est là que Zhao Liang place sa caméra et film au jour le jour la vie et les activités professionnelles de ces jeunes soldats qui ont tous l’air de débutants. Ils doivent vite apprendre le métier, la discipline et le respect de la loi, qu’il faut appliquer en toutes circonstances. Les relations de camaraderie, voire d’amitié qu’ils peuvent avoir entre eux, et même avec les officiers, les aident à supporter la solitude, l’éloignement de leur famille, la routine aussi. Ici, les affaires qu’il faut régler sont plutôt terre à terre. Il y a bien un meurtre annoncé, mais leur tâche se limite à placarder un peu partout des avis de recherche. Pour le reste ils ont affaire à une population qui pour survivre est parfois obligée de franchir les limites de la stricte légalité.

Crime et châtiment nous propose donc un échantillon de situations où la police intervient, de la plus farfelue à la plus dramatique pour ceux qui y sont impliqués. Zhao Liang filme pratiquement toujours du point de vue de la police. Mais on sent bien que ce sont les paysans qui ont sa sympathie. Le film affirme clairement que s’il elle doit faire appliquer la loi, la police doit être la première à s’y soumettre, en particulier en renonçant à tout recours à la violence. Dans ce domaine il reste visiblement pas mal de travail à faire.
La première situation à laquelle nos policiers sont confrontés prête quasiment à rire. Un homme, dont on apprendra très vite qu’il est sujet à des délires, les a appelés parce qu’il y a un cadavre dans sa chambre, cadavre qui se révèlera n’être qu’un tas de couverture. L’affaire se clôt sur deux conseils, éviter l’alcool et couper le téléphone. Par la suite les choses sont quand même plus sérieuses. Un homme, apparemment sourd et muet, est accusé du vol d’un téléphone sur un marché. Les policiers veulent lui faire dénoncer ses complices et n’hésitent pas à employer pour cela la manière forte. Quelques coups de pieds et des gifles devant la caméra, le reste lorsque le cinéaste aura cessé de tourner, comme il lui est demandé. De la même façon, dans l’interrogatoire de trois hommes suspectés d’avoir volé du bois dans la montagne, les gifles sont censées accélérer le passage aux aveux et très vite le cinéaste est sommé d’arrêter de filmer.

Pourtant la police n’est pas montrée uniquement sous un jour négatif. A la fin du film les jeunes recrues apprennent que certains d’entre eux vont être démobilisés. Une longue séquence montre alors le désespoir d’un de ces recalés de l’armée qui voit son rêve de devenir officier se briser. Il est réconforté par un ami qui lui a eu la chance de pouvoir faire des études et d’obtenir ainsi ses galons. Une façon toute simple mais très efficace de mettre en évidence les inégalités sociales régnant dans la société chinoise.
Filmer la police dans un travail en apparence bien banal ouvre cependant une réflexion sur le pouvoir des lois et l’autorité de ceux qui doivent la faire respecter. Le voleur de bois voulait gagner un peu d’argent pour faire un cadeau à son fils à l’occasion du Nouvel An. Quant au paysan, arrêté parce que ses papiers ne sont en règle, il se voit privé de son gagne-pain tant qu’il ne les aura pas régularisés, ce qui vu la lenteur de l’administration prendra du temps. Son travail ? Ramasser des déchets. Et il n’a pas le choix, papiers ou pas, il continuera à l’exercer.

Ce film a obtenu la Montgolfière d’Or au Festival des 3 continents de Nantes en 2007